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Paris - Compte-rendu : Rossini et les prouesses de la technique
Après quelques propositions erratiques, qui n'ont pas manqué d'inquiéter ses fidèles, le Théâtre du Châtelet semble avoir retrouvé sa place dans le paysage lyrique parisien. L'année démarre en effet en fanfare, avec La pietra del paragone de Rossini, revisitée par le metteur en scène Giorgio Barbero Corsetti (auteur d'un remarquable Orfeo présenté l'an dernier sur ce plateau) et le vidéaste Pierrick Sorin.
Cet explosif et inventif duo a relu un délicieux opéra bouffe de 1812, au moyen des technologies nouvelles, en imaginant un étourdissant dispositif scénique qui repose sur la création de tableaux vidéo en direct. Le recours de l'image à l'opéra n'est pas récent, José Montalvo et Dominique Hervieu (Les Paladins), Robert Lepage (La damnation de Faust), Peter Sellars (Tristan und Isolde), Herbert Wernicke (Les Troyens) et la Fura dels Baus (Die Zauberflöte) l'ont depuis longtemps travaillée et intégrée à leurs spectacles, mais aucun n'avait poussé aussi loin son utilisation et son extraordinaire portée narrative. L'intrigue, assez conventionnelle, nous est donc racontée avec beaucoup d'humour, par des personnages dont les images captées sur le vif sont incrustées en temps réel dans différents décors miniatures, eux-mêmes filmés et maniés à vue.
Le résultat est saisissant pour le public qui peut suivre en alternance des images projetées sur de grands écrans et traitées à la manière d'un sitcom à l'américaine et assister à leur fabrication simultanée, ce qui donne lieu à un étrange ballet d'accessoiristes et de trucages, sur fond bleu, dignes des films de Méliès. La précision demandée aux interprètes est extrême, chacun jouant son rôle au millimètre pour ne pas dépasser du cadre qui lui est imposé et pouvoir être vu sous différents angles. C'est drôle, coloré, rythmé et d'une incroyable efficacité, le public souvent pris à témoin, n'hésitant pas à manifester sa joie, notamment face aux pitreries d'un serveur déjanté.
A ce concept, qui ne manquera pas de faire des émules, répond une lecture musicale aussi rigoureuse que virtuose. Les instruments anciens de l'Ensemble Matheus, subtilement préparés par Jean-Christophe Spinosi, débordent d'ardeur et de fantaisie et confèrent à l'oeuvre une gracieuse patine. La distribution, dominée par la basse François Lis, cocasse Astrubale et par la mezzo-soprano Sonia Prina, Clarice tendre et rusée, est homogène, chacun prenant plaisir à surjouer, parfois jusqu'à la parodie (mention spéciale à Joao Martin-Royo, Macrobio survolté dont les grimaces rappellent celles de Jerry Lewis), face à trois webcams, manifestement domptées.
Ce petit bijou se donne jusqu'au 28 janvier, courrez-y, vous ne le regretterez pas !
François Lesueur
La Pietra del paragone de Rossini, Théâtre du Chatelet, le 18 janvier, puis les 22, 24, 26 et 28 janvier
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