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Paris - Compte-rendu : Valery Gergiev embrase le London Symphony Orchestra


Chef médiatique et charismatique, stakhanoviste de la direction d’orchestre, Valery Gergiev, à la tête du London Symphony Orchestra dont il a pris les rênes en 2007, proposait au public de la Salle Pleyel les deux premiers concerts d’une série consacrée à la musique de Serge Prokofiev. Dès la Symphonie n°1 « Classique » (1918), le ton est donné : la lecture colorée, roborative et virtuose montre la phalange londonienne fidèle à sa réputation. Fin, racé, subtil, le pianiste russe (de nationalité américaine) Vladimir Feltsman triomphe ensuite sans agressivité du 2ème Concerto pour piano et orchestre (y compris dans les redoutables cadences), soutenu par l’accompagnement de feu et de braise de Gergiev. La Symphonie n°6 (1947) est d’une intensité à couper le souffle (Largo), d’un lyrisme désespéré où les dissonances ne peuvent cacher le sentiment d’angoisse qui sourd entre épopée et héroïsme.

Le lendemain, la Symphonie n°2 (1925) composée par Prokofiev peu après son arrivée en France retrouve le même sentiment d’implacabilité par la puissance et l’énergie de l’interprétation. Le violoniste grec Leonidas Kavakos, parfait d’intonation, apporte dans le Concerto n°1 en ré majeur, op 19 une note de poésie, d’intériorité – proche de la conception de Nathan Milstein, à mille lieues de la lecture flamboyante de David Oïstrakh – tout en manifestant une réelle autorité par son jeu rigoureux et précis.

Après le déferlement de la Deuxième Symphonie, l’esthétique en apparence plus traditionnelle de la Symphonie n°7 (1952) écrite sous la terreur stalinienne dans une perspective qui se voulait proche du peuple, pourrait donner l’impression d’une régression ; pourtant Gergiev, à la tête d’un orchestre à l’homogénéité et la transparence jamais prises en défaut, rend justice à cette partition aboutie faite de poésie, d’abandon et d’optimisme que le compositeur, déjà malade, ne put entendre. En bis, La Mort de Tybalt extraite de la Suite n°1 de Roméo et Juliette ne se perd ni en conjecture ni en décibels, mais frappe l’imagination par la perfection et la force de persuasion dont font preuve les interprètes.

Michel Le Naour

Salle Pleyel, 13 et 14 octobre 2008

Programmation détaillée de la Salle Pleyel

Photo : DR

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