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Parsifal au Festival de Bayreuth - Philippe Jordan conquiert le Festspielhaus - Compte-rendu

En cinq ans d’existence, le Parsifal mis en scène par le Norvégien Stefan Herheim n’a pas pris une ride et s’est même bonifié au fil du temps. Le contexte scénographique reste certes le même : une Histoire de l’Allemagne depuis son unité – avec un premier acte se déroulant dans la Villa Wahnfried –, la République de Weimar, le IIIème Reich et ses vicissitudes, la chute du Mur de Berlin, les agitations du Bundestag, le tout transposé dans des univers très différents de ceux des Chevaliers du Graal. Toutefois se dégage, malgré un décor surchargé et des vidéos surlignant le déroulement de l’action, une aération de l’ensemble dans un spectacle parvenu à sa vitesse de croisière. Avec le Lohengrin de Hans Neuenfels, c’est là sans nul doute la production qui, dans le contexte bousculé de l’actuel Bayreuth, tient le mieux sa place en assurant une forme de continuité.

Tout en ne se situant pas au même niveau, la distribution possède homogénéité et unité. Le Parsifal de Burkhard Fritz n’est guère séduisant d’apparence, mais sa prestation solide fait bonne figure face à la Kundry de l’Américaine Susan Maclean, terrifiante dans la scène de séduction par ses aigus implacable. L’Amfortas de Detlef Roth subit son calvaire de manière expressionniste avec une voix parfois mal assurée, ce qui n’est pas le cas du Gurnemanz de Kwangchul Youn à l’émission stable et à la noble autorité. Trônant sur le monde des Filles-Fleurs dans son château transformé en cabaret de l’entre-deux-guerres, le Klingsor de Thomas Jesatko incarne le mal absolu, meneur de revue digne de l’Ange bleu théâtralement très convaincant. Diógenes Randes venu d’outre-tombe donne à Titurel toute sa dimension surnaturelle. Dans une œuvre où les chœurs tiennent tant de place, ceux du Festival de Bayreuth préparés par Eberhard Friedrich sont dignes de tous les éloges.

Depuis 2008, Daniele Gatti dirigeait Parsifal à Bayreuth. Sans démériter, il a dû céder la place pour la dernière année à l’actuel Directeur musical de l’Opéra de Paris, Philippe Jordan qui, à vrai dire, parvient à des miracles de subtilité et de fluidité. Sous sa baguette, l’ultime drame musical wagnérien semble avoir été écrit comme de la musique de chambre. A aucun moment il ne cherche à se mettre en avant, accompagnant les chanteurs avec un art accompli, tout en suscitant des moments de poésie pure (L’Enchantement du Vendredi Saint) et en ménageant des plages de tension dans les instants paroxystiques (la fin de l’acte II). A l’applaudimètre, c’est incontestablement lui le triomphateur de la soirée auprès d’un public totalement conquis. En 2015, une nouvelle mise en scène de Parsifal sera réalisée par Katarina, arrière petite-fille du compositeur et co-directrice du Festival avec Eva Pasquier-Wagner. Affaire de famille que Bayreuth !

Michel Le Naour

Wagner : Parsifal - Bayreuth, Festspielhaus, 22 août 2012

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Photo : Enrico Nawrath
 

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