Journal
Patrick Messina, Pierre Lenert et Fabrizio Chiovetta à la salle Cortot – Rêve schumanien – Compte-rendu
Entre deux représentations de Pelléas et Mélisande au TCE – dirigé d’inoubliable manière par un Louis Langrée au sommet de son art – Patrick Messina, clarinette solo de l’Orchestre National de France, participait à une soirée de musique de chambre à Cortot (organisée par le facteur Buffet Crampon) à l’occasion de la sortie chez Aparté d’un admirable album Schumann(1) réalisé avec le pianiste Fabrizio Chiovetta et l’altiste Pierre Lenert.
L’auditeur n’a pas toujours une exacte conscience du niveau individuel des membres des formations symphoniques. Messina fait partie de nos plus grands clarinettistes, de ces « souffleurs » français qui suscitent l’admiration du monde entier – heureux étudiants qui peuvent bénéficier de son enseignement à l’Ecole Normale-Alfred Cortot. On se souvient qu’un certain Riccardo Muti avait absolument tenu à lui confier la partie soliste du Concerto de Mozart lors d’un concert avec le National en avril 2007 ... (2)
Quant à Pierre Lenert, il n’est rien moins que l’alto solo de l’Orchestre de l’Opéra de Paris et vient d’enregistrer (pour le label Paraty) sa version pour alto des 24 Caprices de Paganini. Le résultat est proprement bluffant de maîtrise technique certes, mais surtout de musicalité, d’imagination sonore et d’art de la « mise en scène » de chacune des miniatures. (3)
Pierre Lenert © Lyodoh Kaneko
Les deux complices se tiennent autour du piano de Chiovetta pour les Märchenerzählungen op. 132. Es war einmal ... La plongée dans un monde de féerie s’effectue instantanément avec une beauté des timbres et un art de la narration qui touche à ce que ce Schumann ultime comporte de plus secret (quelle merveille dans le n° 4 que l’union de la tendresse veloutée de la clarinette et des reflets ambrés de l’alto (un Vuillaume de toute beauté), scellée par un clavier richement timbré.
Fabrizio Chiovetta © Lyodoh Kaneko
Contrôle du souffle parfait, souplesse de la ligne : seul au côté du piano, P. Messina explore ensuite le secret et tendre Abendlied op. 85 n° 12 (une pièce à quatre mains à l’origine), avant d’attaquer les trois Romances op. 22 de Clara Schumann, cahier qui mérite pleinement d’être défendu, surtout avec une poésie aussi naturelle et intensément vécue.
Le clarinettiste peut il est vrai compter sur l’accompagnement vigilant et inventif d’un pianiste dont – court épisode en solo – l’Abschied conclusif des Scènes de la forêt, lyrique et gorgé de couleurs, montre des qualités que l’on a hâte de pouvoir apprécier en récital.
Retour au duo avec les Fantaisiestücke op.73, tous trois vivants et fermement caractérisés et, pour refermer le programme, l’Hommage à R. Sch. Op. 15/d de G. Kurtag. Un choix opportun qui permet à Pierre Lenert de rejoindre in fine ses deux collègues dans une composition étonnante (de 1990). Les trois compères en saisissent les atmosphères avec un sens aiguisé de l’aphorisme, jusqu’à une conclusion – à la grosse caisse ! – dont P. Messina se charge, avec autant de délicatesse que d’humour.
Transcription du lied In der Nacht op. 74 n° 4 en bis : le rêve schumanien se prolonge ...
Alain Cochard
Paris, Salle Cortot, 12 mai 2017
(1) 1 CD Aparté AP 153 (œuvres de Robert et Clara Schumann)
(2) www.concertclassic.com/article/paris-compte-rendu-muti-messina-un-double-enchantement
L’enregistrement du Concerto pour clarinette a été publié par Radio France, couplé avec le Quintette pour clarinette (avec le Philharmonia Quartett Berlin)
(3) 2 CD Paraty 816156
Photo © Lyodoh Kaneko
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