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Persée de Lully (version 1770) au Théâtre des Champs-Elysées – Nouveau look pour un nouveau Lully - Compte-rendu
Curieux objet que cette version remaniée du Persée de Jean-Baptiste Lully exhumée par Hervé Niquet (photo) et le Centre de musique baroque de Versailles. En mai 1770, pour célébrer les noces de Marie-Antoinette et du futur Louis XVI, ainsi que l’inauguration de l’Opéra royal de Versailles, l’on décide de reprendre l’un des plus emblématiques ouvrages de Lully. Mais impossible de le jouer tel quel ! La musique du Surintendant est toujours brandie comme un modèle de l’Art Français, elle date tout de même de près d’un siècle : on trouve les danses ennuyeuses et le style suranné... Bref, Lully est passé de mode !
L’opéra reçoit donc un grand coup de ripolinage - pratique courante à l’époque - grâce au concours de trois compositeurs au service de la Cour : François Rebel (1701-1775), Bernard de Bury (1720-1785) et Antoine Dauvergne (1713-1797). Chacun s'attelle à un ou plusieurs actes, dont il réécrit tous les divertissements, ballets, quelques airs, procède à des coupures dans les récitatifs et arrange l’orchestration.
Que reste-t-il de Lully ? Un tiers de musique : essentiellement les récitatifs, des chœurs, quelques airs et duos… Heureusement, les plus belles pages de l’opéra originel sont préservées, comme le duo entre Persée et Andromède à l’acte II ou celui entre Mercure et Persée à l’acte III. De Quinault ? La plupart des vers : quelques récitatifs ont été raccourcis, l’intrigue resserrée (sans rien sacrifier de substantiel), et d’autres vers rajoutés pour accueillir les nouveaux divertissements.
De fait, cette nouvelle version de Persée constitue une curiosité. Les contrastes de styles – entre l’ancien et le nouveau, mais aussi entre les nouveautés – ferait presque passer Dauvergne pour un avant-gardiste et Lully pour un (sublime) archaïque. Si certaines pages orchestrales sont assez éblouissantes, dans un style à mi-chemin entre Rameau et Grétry, d’autres ajouts comme les deux airs finaux de Vénus et Persée, à grand renfort de vocalises et de contre-notes, arrivent comme un cheveu sur la soupe. Les lullystes fanatiques et les partisans de l’authenticité absolue crieront peut-être au scandale, accuseront Hervé Niquet de faire des caprices… Ce Persée n’a pourtant rien d’anecdotique, ni historiquement, ni musicalement. Encore faut-il savoir faire preuve, une fois encore, d’un peu de curiosité.
Pour défendre ce joyeux patchwork, le chef du Concert Spirituel a su s’entourer de ce qui se fait de mieux en matière de chant français. Le ténor Mathias Vidal a littéralement ébloui toute la salle. Dans sa bouche, les mots éclatent avec une précision presque jouissive, les notes jaillissent vaillamment comme s’il ne pouvait plus les contenir. Avec son timbre corsé et chaleureux, sa diction parfaite, son sens du phrasé et de la prosodie, il donne à Persée la noblesse et l’héroïsme qui manquent parfois aux hautes-contre habituées du rôle.
Mais gardons-en un peu pour les autres, et notamment la très belle Andromède d’Hélène Guilmette, sensible et délicate, tout en jolis phrasés et subtils ornements ; ou encore le ténor Cyrille Dubois qui fait valoir ses qualités de diseur et son beau timbre clair dans un rôle (Mercure) qui l’oblige pourtant à repousser les limites de sa tessiture. Le rôle plus lyrique de Vénus sied à merveille à Chantal Santon-Jeffery qui sait trouver le juste équilibre entre précision des mots, pour les récitatifs, ampleur et agilité, pour son air final presque belcantiste. On peut simplement regretter le Phinée très premier degré et étrangement en retrait de Tassis Christoyannis, ainsi que la Méduse très engorgée de Marie Kalinine.
Comme à son habitude, Hervé Niquet réussit à maintenir une tension permanente dans la conduite du drame, auxquels même les pages de ballet plus légères participent. Avec son orchestre tranchant, aux timbres délicieusement fruités, il semble aiguiser la musique à l’extrême, quitte à prendre des tempi parfois très rapides.
Après deux représentations, à l’Arsenal de Metz et au Théâtre des Champs-Elysées, les curieux pourront entendre ce Persée dans le lieu même pour lequel il a été conçu : à l’Opéra royal du Château de Versailles le 15 avril prochain. Une parution au disque est déjà prévue.
Raphaël Dor
Lully : Persée (révision 1770 par Rebel, De Bury & Dauvergne) – Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 6 avril 2016, prochaine représentation le 15 avril, Opéra Royal de Versailles / www.chateauversailles-spectacles.fr/spectacles/2016/lully-persee-version-1770
Photo © Michele Crosera
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