Le "roi" de la période romantique, dit-on à juste titre du piano qui, bénéficiant des trouvailles des facteurs, à commencer par – coup de génie ! – le double échappement d’Erard, connut alors un essor proprement extraordinaire (le Paris dans lequel Chopin posa pour la première fois le pied en septembre 1831 comptait une centaine facteurs !). Bien des compositeurs, souvent doublés de remarquables virtuoses, ont fait honneur au piano. Mais il est une exception, de taille, Hector Berlioz, qui le dédaigna copieusement ... pour mieux jouer des couleurs de l’orchestre !  

Le festival de la Côte-Saint-André n’en prend nullement prétexte pour ignorer un pan essentiel du répertoire et de très belles propositions y attendent les amateurs de clavier cette année, à commencer par une intégrale Ravel répartie entre Philippe Bianconi (photo) et Clément Lefebvre. Une profonde estime et une évidente complicité unissent les deux interprètes. On sait que Bianconi a fait appel à son cadet pour le Ma Mère l’Oye qui complète son admirable intégrale Ravel sortie l’an dernier chez La Dolce Volta. Choix tout naturel puisque Lefebvre a prouvé avec un récital (chez Evidence en 2021) construit autour d’ouvrages tournés vers le XVIIIe siècle – de la Sonatine au Tombeau de Couperin – qu’il se range parmi les ravéliens les plus inspirés de la nouvelle génération. On ne s’étonne donc pas de voir les deux artistes se partageant l’intégrale du piano solo du Français au cours de deux récitals de fin d’après-midi (les 18 et 19 août).

Jamais deux sans trois ! Avec deux poètes pianistes de cette trempe, Bruno Messina, directeur du Festival Berlioz, n’a pas résisté à l’envie de leur proposer un dernier récital occupé par des ouvrages à quatre mains et à deux pianos du Français, originaux ou transcrits. Ma Mère l’Oye et La Valse – dans sa version originale de 1920 – figurent évidemment au programme, mais on entendra aussi le Boléro, la Rapsodie espagnole et, bien plus rare, l’arrangement à deux pianos par le compositeur d’un bijou trop méconnu de sa musique de chambre : l’Introduction et allegro pour harpe, flûte, clarinette et quatuor à cordes (1905).

Parmi les événements pianistiques du Festival Berlioz 2024, on note aussi que la présence de Roger Muraro (le 24 août) pour les Première et Deuxième Années de Pèlerinage de Franz Liszt. Muraro auprès duquel, à l'époque des études au CNSMDP, Clément Lefebvre a mûri un art du clavier marqué par un exceptionnel sens de la couleur ...
 
Alain Cochard