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Pietro De Maria au Festival Chopin à Paris - Une sobriété inspirée- Compte-rendu
La capacité à sortir des sentiers battus de la médiatisation fait partie des grandes qualités du Festival Chopin, qui n’hésite pas à inviter des artistes ignorés des autres organisateurs parisiens. Absent de la capitale depuis 2010 (année au cours de laquelle on l’avait entendu à Bagatelle puis à l’Athénée, invité par le Festival Piano en Valois-Angoulême), Pietro De Maria était de retour il y a peu sur la scène de l’Orangerie.
Le Prélude n°1 du Clavier Bien Tempéré (BWV 846), d’une hypnotique pureté, ouvre la soirée, suivi d’une fugue toute de franchise et de clarté. Après un 21e Prélude et Fugue BWV 866, aussi rayonnant et maîtrisé, trois sonates de Scarlatti (K. 98, 213, et 1) vivantes, lyriques et baignées de lumière ambrée, conduisent à la Sonate op 35 « Funèbre » de Chopin. Contraste saisissant entre ces miniatures et le vaste et dramatique ouvrage du Polonais. « Italien d’éducation », disait de lui Ravel : on songe à cette si juste formule en découvrant une interprétation magistralement dominée. De Maria préserve la dimension lyrique de l’ouvrage, se refuse à une conception excessivement contrastée et théâtrale et préfère distiller la noire substance de l’Opus 35 d’une façon insidieuse, anti-spectaculaire, mais ô combien prenante.
Les 48 Esquisses op 63 d’Alkan sont en vogue en ce moment, on ne s’en plaint pas ! Quelques jours après Wilhem Latchoumia qui en interprétait quatre extraits aux Bouffes du Nord, Pietro De Maria ouvre la seconde partie de son récital avec six d’entre elles, magistralement dominées – mention spéciale pour l’étrange et fulgurant n°10 Increpatio ! Immédiatement enchaînée au Notturnino-Innamorato (n°43 du recueil), la Berceuse op 57 de Chopin témoigne d’une approche très moderne, d’une grande économie de pédale, à l’évidence pensée comme un prélude au Gaspard de la Nuit par lequel l’interprète termine son concert.
L’ouvrage de Ravel est de retour dans le répertoire de Pietro De Maria après une dizaine d’années d’absence ; puisse-t-il ne plus le plus le quitter. Comme dans la Sonate « Funèbre », souvent dévoyée par les excès de certains virtuoses, le Gaspard de Pietro De Maria invite à un pur envoûtement. Dès Ondine, d’une fluidité incroyable, on comprend ce qui guide une interprétation dédaigneuse de l’effet et intensément poétique. De la même eau, une mazurka et le Scherzo n°2 de Chopin, donnés en bis, concluent en beauté le récital très applaudi d’un artiste que le public français retrouvera en novembre à Bordeaux, au Festival L’Esprit du Piano, dans le Clavier Bien Tempéré. Un corpus que Pietro De Maria joue beaucoup depuis quelques mois et qu’il ne tardera pas à enregistrer.
Alain Cochard
Paris, Orangerie de Bagatelle, 20 juin 2013
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Photo : DR
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