La comparaison avec Gould a fait long feu, certes. Pour le toucher en tous cas – celui plein, intense, saturé presque de Piotr Anderzewski, capable aussi d’allégements mais toujours aiguisé, ne copie jamais, ne s’inspire même pas du staccato omniscient alla Gould – mais pour l’intellect ? Car depuis Gould (et Arrau aussi) aucun pianiste ne nous a donné la sensation d’entendre dans son jeu non pas ce qu’il rêve des œuvres (Kempff, Firkusny, Lupu ont su, savent faire cela), mais comment elles sont conçues et non comment il les entrevoit. La plongée dans les arcanes de la partition, leur exposition surtout, leur mise à nu, l’implacable mécanique des croches, des noires et des blanches et, derrière, la parole vraie du compositeur, dite pour elle même. Piotr Anderszewski n’interprète pas, il révèle des évidences, rendues dans toute leur âpreté par ce toucher minéral, ce contrôle des couleurs (jansénistes presque, puritaines en tous cas), cette respiration impérieuse qui est le vrai tactus de la musique.

On pourra vérifier cet axiome le 13 mai au Théâtre des Champs-Elysées, avec trois œuvres de grande portée : la 6e Partita de Bach, la 31e Sonate de Beethoven et Dans les brumes de Janacek, tous opus d’absolue maturité où la langue se libère certes mais où d’abord la syntaxe s’exalte. Pari difficile, déjà tenu au Carnegie Hall de New York le 3 décembre dernier les mêmes ouvrages de Beethoven et Janacek, auxquels s’ajoutaient le 2e Partita et le Carnaval de Vienne - on le regrette déjà - : Virgin publie justement ce récital(1) ; une manière de préparer ou de prolonger le concert, qu’accompagneront aussi deux films de Bruno Monsaingeon, un récital varsovien et l’étonnant périple ferroviaire d’une tournée décidément hors du commun, diffusés par Arte en juin.

Jean-Charles Hoffelé

Récital de Piotr Anderszewski, Paris, Théâtre des Champs-Elysées le 13 mai 2009.

(1)Piotr Anderszewski at Carnegie Hall, un album de 2 CD Virgin disponible à compter du 11 mai

Sur ARTE

Le 14 juin à 19h dans Maestro

Piotr Anderszewski en récital à Varsovie (réalisation Bruno Monsaingeon)

Le 15 juin à 22h 45

« Piotr Anderszewski, voyageur intranquille », un film de Bruno Monsaingeon.

> >Programme détaillé du Théâtre des Champs-Elysées

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Photo : DR