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Poppea e Nerone à Madrid - Monteverdi sous le signe de Webern - Compte-rendu
Plus de vingt ans après une première réorchestration du Couronnement de Poppée, Philippe Boesmans en propose une nouvelle version, cette fois pour formation de chambre. Les couleurs parfois crues et les scansions rythmiques de la partition baroque se nimbent de demi-teintes, dans une Klangfarbenmelodie aux réminiscences weberniennes. Une pareille décantation séduit particulièrement dans les airs et duos, en leur imprimant une sorte d'apesanteur qui prend parfois des allures de rêverie cosmique. Et ce n'est pas un hasard si le célèbre « Pur ti miro » final semble avoir été le plus inspirant pour Krzysztof Warlikowski, qui projette en générique de fond de scène le destin des protagonistes – solution bien plus satisfaisante et poétique que la scansion théâtrale proposée par Jean-François Sivadier à Lille.
Mais cet amollissement des tempi se révèle préjudiciable aux récitatifs, alourdis par la battue souvent didactique de Sylvain Cambreling. Et la scénographie n'arrange rien, ajoutant un – long – prologue théâtral où l'on voit Sénèque, professeur de philosophie dans une vague université anglo-saxonne, donner son dernier cours aux protagonistes de l'opéra, encore étudiants.
Il n'est d'ailleurs pas anodin que la réécriture du livret, pour laquelle on a sollicité les soins du Goncourt Jonathan Littell, élimine les travestis les plus hauts en couleurs : Néron devient un ténor – excellent Charles Castronovo au demeurant – tandis que la Nourrice est chantée par un mezzo – Jadwiga Rappé plus ampoulée qu'hystérique. Ce souci d'un réalisme aux relents de soap opera petit-bourgeois très à la mode en ce moment – que l'on songe au Don Giovanni de Tcherniakov – trahit la nature même du théâtre, et surtout l'insolence de l'opéra de Monteverdi, qu'il assagit significativement – les ambiguïtés entre Lucain et Nérone n'égaieront guère cette leçon de morale politique parfois pesante, surtout dans un premier acte qui semble s'éterniser. L'impression se trouve par ailleurs renforcée par l'ampleur des décors et l'abus de la projection cinématographique, que rempliraient mieux un grand orchestre symphonique : Monteverdi n'est pas Gluck ou Janacek.
On apprécie cependant une distribution très lyrique où l'on remarque l'Octavie de Maria Riccarda Wesserling, le paradoxal Sénèque de Williard White, aussi humain qu'imposant – une des incarnations les plus réussies du spectacle – ou la Drusilla d'Ekaterina Siurina, que l'on aimerait parfois plus espiègle, sans oublier l'intéressante Nadja Michael en Poppée. Ajoutons l'Othon de William Towers, en retrait relatif, le page d'Hanna Esther Minutillo ou encore la Fortune d'Elena Tsallagova.
La production sera importée à Montpellier la saison prochaine.
Gilles Charlassier
Monteverdi/Boesmans : Poppea e Nerone – Espagne, Madrid, Teatro Real, 24 juin 2012
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Photo : Javier del Real
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