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Radio France fête le Groupe des Six – Bouquet final –Compte-rendu
Durant toute une semaine, Radio France a consacré une série de cinq concerts au Groupe des Six. Entreprise méritoire, qui offrait d’entendre des pages pour ainsi dire méconnues. Car si Poulenc reste toujours régulièrement joué, si Honegger apparaît de loin en loin dans les concerts, Milhaud demeure encore un grand ignoré (comme Georges Auric) alors que Germaine Tailleferre confine à l’inconnu (ainsi que Louis Durey). Sachant toutefois que ce « Groupe des Six » inventé par Henri Collet, par ailleurs lui-même compositeur (« compositeur castillan », disait-il de lui), dans un article qui eut un retentissement en son temps (1920), réunissait des musiciens d’esthétiques diverses qui après de premiers essais en commun allaient vite prendre chacun des routes divergentes. Mais ce prétexte constitue, ici dans le cadre de cette série, l’occasion quasi unique de renouer avec des œuvres inusitées d’un pan de musique française bien peu célébré de nos jours.
Mikko Franck – Radio France - Christophe Abramowitz
Les quatre compositeurs précités, Poulenc, Honegger, Milhaud et Tailleferre, étaient honorés par le dernier concert de la série. Si le Gloria de Poulenc, partition d’intense spiritualité, figure de-ci de-là aux programmes des concerts, sa Sonate pour clarinette et piano se fait nettement plus rare. Commandée et créée par Benny Goodman, elle date de la toute fin de Poulenc en 1962 (le compositeur, emporté par une crise cardiaque le 30 janvier 1963, devait tenir la partie de piano pour la création au Carnegie Hall de New York, remplacé alors par Leonard Bernstein). On y retrouve la veine mélodique du compositeur, parfois légère, parfois virtuose, pimentée d'accents jazzy. Composée en 1920, la Sonate pour alto et piano d’Honegger est tout autre, robuste et épanchée. Quant au Concerto pour alto et orchestre n° 1 de Milhaud, il possède un caractère envoûtant, en particulier dans ses deux mouvements intermédiaires, comme un lointain parent d’Harold en Italie de Berlioz (que Milhaud admirait tant). À noter que ce concerto fut créé en 1929 sous la direction de Pierre Monteux avec Paul Hindemith à l’alto. Enfin, la Petite Suite pour orchestre de Germaine Tailleferre, brève datée de 1957, dégage de voluptueux coloris notamment dans deux premiers mouvements d’une texture inaccoutumée. Autant de découvertes, qui méritaient assurément de l’être.
Nicolas Baldeyrou © Sylvaine Pierre
D’autant que l’interprétation n’est pas en reste de conviction. Antoine Tamestit (photo)(1) délivre l’alto sensible et expressif dont il est coutumier, aussi bien dans le concerto de Milhaud que la sonate d’Honegger, ici secondé du piano transporté de Franck Braley. La clarinette de Nicolas Baldeyrou (1ère clarinette solo du Philhar.) se combine au piano de Catherine Cournot dans un concours de dextérité pour la sonate de Poulenc. Sous la direction investie de Mikko Franck, l’Orchestre philharmonique de Radio France livre une Tailleferre en dentelles, un Milhaud intériorisé et un Poulenc inspiré. Avec l’aide, pour cette dernière œuvre et plat de consistance assurément de ce concert, d’un vibrant Chœur de Radio France assorti de la voix aérienne, mais intense d’expression, de la soprano américaine Lauren Michelle. Le tout dans l’acoustique toujours fortement présente, aussi bien en formation de chambre qu’en déploiement à grands effectifs, de l’Auditorium de la Maison de la Radio.
Pierre-René Serna
Paris, Auditorium de la Maison de la Radio, 12 octobre 2019.
(1) Antoine Tamestit présente son enregistrement des sonates de Bach avec Masato Suzuki : www.concertclassic.com/video/sonates-pour-alto-et-clavecin-de-js-bach-par-antoine-tamestit-et-masato-suzuki
Photo © Alescha Birkenholz
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