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Radu Lupu, Paavo Järvi et l’Orchestre de Paris – Onirisme et jaillissement – Compte-rendu
« Beethoven ça ne se joue pas, ça se réinvente », dit un jour Anton Rubinstein au tout jeune Alfred Cortot ... C’est bien le parti qu’a choisi de prendre Radu Lupu dans le 3ème Concerto (qui fait suite au 1er, donné par le Roumain lors de sa dernière venue à l’Orchestre de Paris en avril 2014). Réinventer Beethoven ? En le rêvant : dès l’entrée du piano, on est saisi par une dimension très onirique, une atténuation délibérée des attaques, de la dimension « con brio », au profit d’un jeu essentiellement appuyé sur les couleurs, sur les teintes plutôt. Quelques puristes s’étranglent sans doute - chacun son rôle -, mais comment ne pas être admiratif de l’art avec lequel l’interprète assume pleinement ses choix, du prisme poétique à travers lequel il a décidé de restituer l’Op. 37 ? La baguette attentive de Järvi l’y aide beaucoup il est vrai, toujours à l’écoute, faisant corps avec la moindre inflexion de son discours. Merveille d’échange (fabuleux dialogue avec la flûte), de complicité rêveuse, le Largo conduit à un Rondo tendre et délicieusement goguenard.
La seconde partie de la soirée met le cap sur l’Europe du Nord, avec d’abord le rare Concerto pour flûte de Carl Nielsen que Järvi a confié à Vincent Lucas (l’une des deux flûte 1er solo de l’Orchestre de Paris) – bien lui en a pris ! Magnifique de maîtrise, de souplesse, de liberté, de projection sonore, le soliste fait corps avec l’humeur fantasque de l’ouvrage, tout comme une baguette qui se régale d’une orchestration contrastée et inventive.
Järvi est dans son jardin, comme avec la 3ème Symphonie de Sibelius, d’autant plus impeccablement préparée qu’elle a fait en parallèle l’objet d’un enregistrement qui s’intègrera dans une intégrale des 7 Symphonies du Finlandais, couronnement du mandat du chef estonien à l’Orchestre de Paris. Son règne aura eu bien des vertus, entre autres celle de familiariser la phalange avec la grammaire sibélienne comme aucun autre directeur musical n'avait su le faire auparavant. De bout en bout, son interprétation vise dans le mille et emporte l’adhésion par un jaillissement, une concentration, une énergie qui rendent justice à une partition bien injustement négligée.
Alain Cochard
Paris, Philharmonie 1, 3 mars 2016
Photo © Ivan Maly
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