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The Rake’s Progress : Une révolution de mœursUne interview d’Antoine Gindt, metteur en scène
Directeur de T&M depuis 1997 et par ailleurs conseiller à la programmation du Festival Musica de Strasbourg, Antoine Gindt met en scène The Rake’s Progress de Stravinski dans la maison de Louis Jouvet avec une distribution composée de Jonathan Boyd, Elisabeth Calleo, Ivan Ludlow, Allison Cook, Johannes Schmidt et Paul-Alexandre Dubois. En fosse, l’Orchestre des lauréats du Conservatoire de Paris est dirigé par Franck Ollu pour ce qui constitue le premier spectacle lyrique de la saison de l’Athénée.
Si le néo-classicisme dont relève The Rake’s Progress tourne cet ouvrage vers le passé, votre note d’intention donne le sentiment que vous vous êtes résolument intéressé à ce que cet opéra comporte de prophétique par rapport à l’évolution de la société ?
Antoine Gindt : Je me suis d’abord interrogé sur la place qu’occupe The Rake’s Progress dans l’histoire de la musique et vu avec quelle liberté Stravinski avait traité l’opéra alors que l’on se situait en plein dans la période des avant-gardes (l’œuvre est créée en 1951). Il y a un parallélisme assez intéressant à faire entre la liberté que prend Stravinski sur l’époque dans laquelle il vit et cet opéra qui s’apparente à une étude de mœurs car on peut considérer le parcours de Tom Rakewell comme celui d’une jeunesse. Ces deux éléments mis ensemble rendent l’œuvre de Stravinski tout à fait passionnante.
« Stravinski anticipait, sans pouvoir l’imaginer en 1951, la nouvelle époque libertine qui surgirait quinze ans plus tard, de la Californie où il vivait », écrivez-vous. Qu’implique ce constat dans la mise en scène que les spectateurs de l’Athénée s’apprêtent à découvrir ?
A. G. : Stravinski, avec son librettiste Auden, s’inspire d’une série de gravures de Hogarth qui décrivent un monde effectivement très libertin, où le parcours, le progress de Tom Rakewell se fait par un certain nombre d’étapes initiatiques – c’est aussi une descente aux enfers car tout ça se termine très mal. Avec mon équipe, nous sommes partis de l’idée que peu après les années 1950 allait surgir en Californie une nouvelle idée de la jeunesse consistant à se libérer des codes extrêmement fermés de la société des années 1950, notamment aux Etats-Unis. Une révolution de moeurs s’opère véritablement dans The Rake’s Progress.
Le travail de répétition avec vos chanteurs vous a-t-il conduit à faire évoluer certains choix que vous aviez faits a priori quant à la mise en scène ?
A. G. : Oui et non. L’argument dramaturgique tel que je l’ai exposé à l’équipe n’était pas là pour enfermer le travail dans une imagerie que je considèrerais comme secondaire. Nous n’avons pas essayé de reconstituer fidèlement une époque, de faire une transposition précise de l’ouvrage aux années 1970 par exemple. Par contre cela a évidemment nourri une certaine manière de jouer, de garder dans l’œuvre de Stravinski un côté assez profond sur les parcours de chacun des personnages et en même temps la légèreté qui relève de la fable – il ne faut pas oublier que The Rake’s Progress est sous-titré « une fable ». Il faut prendre les choses avec la distance qui s’impose à la fable.
Quelques mots enfin sur la suite de la saison T&M…
The Rake’s Progress sera repris pour une soirée à Saint-Quentin-en-Yvelines le 2 décembre, puis la saison comportera deux moments importants. En janvier-février à Gennevilliers nous reprenons le spectacle sur les Kafka-Fragmente de György Kurtag, avec Salome Kammer et Carolin Widmann. Il a été créé il y a deux ans, mais n’a jamais encore été présenté à Paris ou à proximité. Il s’agit d’un spectacle très différent basé sur des pièces de Kurtag qui n’avaient pas vocation à devenir du théâtre musical. C’est un choix que j’ai fait de projeter cette musique sur scène.
Le troisième temps fort de notre saison est Massacre, un opéra de l’Autrichien Wolfgang Mitterer, mis en scène par Ludovic Lagarce, que nous reprenons pour quelques représentations à Reims, Nîmes et, enfin à la Cité de la musique à Paris début avril.
Propos recueillis par Alain Cochard, le 11 novembre 2009
(1) Pour en savoir plus sur la saison de T&M : www.theatre-musique.com
Stravinski : The Rake’s Progress
Théâtre de l’Athénée
Les 24, 26, 27 et 29 novembre 2009
www.athenee-theatre.com
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Photo : DR
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