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« Rameau, maître à danser » par les Arts Florissants à Caen – Petits délices ramistes – Compte-rendu
Depuis les ennuis de santé qui l’ont forcé à prendre du repos on n’avait pas revu William Christie en compagnie de ses musiciens ; autant dire que la soirée du 4 juin était impatiemment guettée par tous les aficionados des Arts Flo. Juste retour de la fidélité qui unit depuis 25 ans le Théâtre de Caen à la formation baroque, le public de la cité normande a eu la primeur d’un « Rameau, maître à danser » que l’on reverra sur plusieurs scènes françaises et étrangères dans les semaines et les mois à venir, avant la Cité de la musique en novembre.
photo © Philippe Delva
“Bill “ était donc de retour, et en superbe forme – « j’ai un cœur de vingt-cinq ans, plaisante-t-il ! » - pour diriger une production réunissant deux partitions rares : Daphnis et Eglé, pastorale héroïque de 1753, et La Naissance d’Osiris, acte de ballet créé l’année suivante. Visage modeste de l’art du musicien diront certains en faisant la comparaison avec Hippolyte et Aricie, Castor et Pollux, Les Boréades … S’il leur plaît. Mais modestie ô combien charmeuse, pareille à un moment de détente dans le parcours d’un génial créateur. Un visage familier – la nostalgie qui habite maint passages de la Naissance apprend beaucoup à qui sait la sonder… - et infiniment attachant se dévoile derrière deux œuvres de couleur pastorale, l’une destinée à égayer une journée de chasse à Fontainebleau, l’autre à fêter la naissance du Duc de Berry.
photo © Philippe Delval
Il faut beaucoup d’art pour restituer avec tact de telles compositions et ne jamais verser dans la fadeur ou la mièvrerie. Toute de poésie, de finesse et d’émerveillement, la conception musicale se révèle continûment à l’unisson de l'univers que Sophie Daneman (mise en scène), Françoise Denieau (chorégraphie), Christophe Naillet (scénographie et lumières) et Alain Bachot (costumes) ont imaginé autour de deux œuvres en rien destinées à être assemblées.
Dans le cadre très approprié du Manège de l’Académie de La Guérinière, S. Daneman et son équipe présentent un spectacle d'une grande économie de moyens fondé sur l’idée qu’Osiris serait le fruit des amours de Daphnis et Eglé. Bien vu ! La proximité stylistique entre les deux ouvrages aidant, ils s’enchaînent sans l'ombre d'un hiatus : la tendresse et la délicate vitalité de la proposition séduisent - un rêve de XVIIIe siècle au début du XXIe... L'intelligence du travail de Françoise Denieau – on n’ergotera pas sur quelques petits détails de « réglage » de la chorégraphie en ce soir de première – et le choix d’un distribution idéale de bout en bout ont grandement contribué à faire de « Rameau, maître à danser » un plein succès.
photo © Philippe Delval
Tous deux lauréats du Jardins des Voix en 2011, Reinoud van Mechelen et Elodie Fonnard sont idéalement appariés en un couple Daphnis-Eglé d’une lumineuse jeunesse. Il faut dire que veille sur eux l’Amour proprement irrésistible de Magali Léger. Cette dernière est aussi éblouissante de présence scénique, de santé vocale et de style en Pamilie dans La Naissance, où Pierre Bessière campe un Jupiter d’une virile autorité. Prestations très applaudies aussi d’Arnaud Richard (Grand Prêtre) et de Sean Clayton qui compose un berger un peu timide et… très coquin !
Chanteurs (y compris le Choeur des Arts Flo, remarquable de précision), danseurs (bravo à l’Amour d’Artur Zakirov !), chacun ici donne le meilleur de lui-même, porté le geste aussi attentif que radieux et poète de Christie. A propos de poésie, mention spéciale à la merveilleuse musette de François Lazarevitch, auquel ces deux petits délices ramistes offrent plus d’une occasion de se distinguer.
Excellente nouvelle, « Rameau, maître à danser » est diffusé en direct sur internet ce 8 juin (1).
Alain Cochard
(1) Diffusion en direct sur www.culturebox.com et www.artsflomedia.com le 8 juin à 17h. La captation restera en ligne six mois. Le spectacle fera ultérieurement l’objet d’un DVD (chez Alpha).
Rameau : Daphnis et Eglé / La Naissance d’Osiris – Caen, Manège de l’Académie de Le Guérinière (dans le cadre de la saison hors les murs du Théâtre de Caen), 4 juin, prochaines représentations les 7 et 8 juin, puis le 14 juin (Saint-Lô), le 17 sept. (Mortagne-au-Perche), le 4 nov. (Philharmonie de Luxembourg), les 6 et 7 nov. (Moscou), le 14 nov. (Dijon), le 18 novembre (Londres) et les 21 et 22 nov. 2014 (Paris).
www.theatredecaen.fr / www.arts-florissants.com
Photo © Philippe Delval
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