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Raphaël Pichon dirige Castor et Pollux à Besançon, Paris et Bordeaux – Rameau nouvelle génération

L’année 2014 s'annonce particulièrement riche et stimulante pour Raphaël Pichon et son Ensemble Pygmalion. Le Castor et Pollux en version de concert que l’on entend à Paris (le 21), dans la série des "Rumeurs" de Platée, s’inscrit dans le cadre d’une mini-tournée qui conduit aussi les musiciens à Besançon (le 20) et à l’Auditorium de Bordeaux (le 22). Ce n’est là qu’un début et on les retrouve par la suite, dans ce Rameau ou dans d’autres programmes, au Festival de Pâques d’Aix, au Palau de la Musica de Barcelone, aux Festival de Saint-Denis, Aix-en-Provence, Montpellier, Beaune, Lessay, la Chaise-Dieu, etc.

A 30 ans tout rond, R. Pichon ne cèle pas son bonheur face à la reconnaissance que traduisent ces invitations. Mais, à la tête d’un ensemble dont l’équipe administrative ne comprend que deux personnes, il sait aussi garder la tête froide et manifeste une conscience aiguë des réalités et des défis économiques auxquels une jeune formation en plein essor telle que la sienne se trouve inévitablement confrontée.

Après des débuts largement dédiés à Bach, le jeune chef et ses troupes de sont aventurés, avec succès, en terre ramiste. Le Festival de Beaune y a grandement contribué, les programmant dans Hippolyte et Aricie en 2012 et dans Dardanus l’an passé. Ils seront à nouveau les hôtes du festival bourguignon cet été (le 26/07) avec Castor et Pollux, ouvrage que l’année Rameau leur offre l’occasion de donner dans bien d’autres lieux donc.

Version de 1754 : comme pour les deux opéras du Français précédemment abordés, R. Pichon a pris le parti de défendre la version tardive de l’ouvrage. « Ce qui m’intéressait, c’est d’explorer Rameau comme le maillon entre Lully et Gluck, explique-t-il. Un Rameau tout à la fois porteur de l’héritage de la tragédie lyrique et à la frontière de la future réforme effectuée par Gluck dans une synthèse où il pressent un monde nouveau par son génie harmonique, rythmique, orchestral, son sens des timbres, de la danse. »

S’intéresser à la seconde version de Castor et Pollux s’avère d’autant plus stimulant pour Pygmalion et son chef qu’un nouveau manuscrit datant de 1753 vient d’être découvert. « Nous serons les premiers à donner Castor et Pollux à partir de ce manuscrit qui comprend beaucoup de choses inédites. (1) Des nombreuses incertitudes ont pu être levées, concernant l’orchestration en particulier.»

Quelles différences entre les deux versions de l’ouvrage ? « Castor et Pollux n’a pas été touché par son auteur pendant dix-sept ans, explique R. Pichon. Rameau crée un premier Castor et Pollux en 1737, que le public accueille de façon assez mitigée. Dix-sept ans plus tard, en pleine querelle des Bouffons, le compositeur accepte que son ouvrage soit redonné à l’Académie royale de musique, mais décide de le refondre complètement avec son librettiste Gentil-Bernard. On va vers l’époque classique, vers un opéra plus moral – n’oublions pas que l’on se situe à une époque où les grandes valeurs de la franc-maçonnerie sont très présentes parmi l’élite française. Rameau enlève le Prologue, une bonne partie des divertissements, tous les atours propres à la tragédie lyrique, et se concentre sur le drame et sur les valeurs qu’il véhicule. Les personnages sont plus dessinés, gagnent en noblesse. On s’approche un peu de fameuse la réforme de Gluck et d’ouvrages tel qu’Alceste, Orphée et Eurydice, qui sont des mythes originels qui véhiculent de grandes histoires humaines et de grandes valeurs morales. Le nouveau Castor et Pollux offre déjà un soupçon de cette réforme : Rameau tire la substantifique moelle de la première monture de son œuvre pour en livrer une version plus directe, plus dramatique et emplie des grandes valeurs des Lumières.»

La distribution avec laquelle R. Pichon interprète Castor et Pollux « a été choisie en collaboration avec Benoît Dratwicki du Centre de Musique Baroque de Versailles. Elle mélange des fidèles des productions du CMBV et des fidèles de Pygmalion et comprend aussi quelques nouvelles étoiles du chant français. Bernard Richter, qui incarnait Atys lors de la reprise de la production par les Arts florissants et qui a ensuite été notre Dardanus, tient le rôle de Castor. Florian Sempey, représentatif de cette génération montante du chant français, sera un formidable Pollux. » Mais on y trouve aussi Judith van Wanroij, Michèle Losier, Christian Immler, Tomislav Lavoie, Katia Velletaz et Cyrille Dubois.
 
Dans la deuxième année de sa résidence de trois ans à la Fondation Royaumont, Pygmalion a profité du cadre offert par celle-ci pour préparer cette version de concert de la tragédie lyrique de Rameau dans les meilleures conditions. Si les projets futurs de Pygmalion à Royaumont sont plutôt axés sur la musique allemande, l’ensemble et son chef n’en ont par fini avec le compositeur français. 2015 verra en effet R. Pichon en fosse à l’Opéra de Bordeaux (dont Pygmalion est « ensemble associé » depuis le mois de janvier), pour le premier opéra mis en scène auquel il participe avec ses musiciens : Dardanus (1ère version) dans la mise en scène de… Michel Fau ! Un spectacle impatiemment guetté, qui officialisera la résidence bordelaise de Pygmalion. Thierry Fouquet ne pouvait jouer plus belle carte parmi la nouvelle génération baroque française.
Alain Cochard
 
(1) à paraître dans l' édition Rameau d'Opera Omnia
 
Rameau : Castor et Pollux (version de concert)
20 mars 2014 – 20h
Besançon – Scène Nationale
www.scenenationaledebesancon.fr

21 mars 2014 – 20h
Paris – Opéra Comique
www.concertclassic.com/concert/castor-et-pollux-de-rameau-ensemble-pygmalion

22 mars – 20h
Bordeaux – Auditorium
www.concertclassic.com/concert/castor-et-pollux-version-de-concert
 
 Photo @ Jean-Baptiste Millot

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