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Récital Patricia Petibon au Festival d’Ambronay 2023 – The show must go on – Compte-rendu

Depuis ses débuts, Patricia Petibon a toujours choisi de se faire remarquer en se créant un personnage décalé, un peu par son apparence, avec la rousseur de sa chevelure, et beaucoup par ses façons, en ne craignant pas d’user de gags et de gadgets qui rompaient avec l’atmosphère compassée du concert de musique classique. C’en était même au point que l’on s’étonnait lorsqu’elle ne s’autorisait pas ses facéties habituelles, même si les pitreries ne tardaient jamais à revenir.
A ce point de sa carrière, tout cet habillage commence à tourner à l’auto-caricature, et l’on songe parfois à une Arielle Dombasle, dont la notoriété s’est construire par des moyens semblables, même si Patricia Petibon, elle, sait chanter. Elle le prouve dans ce concert intitulé « Destins de reines », où il faut néanmoins supporter son show ordinaire. Suffragette à la crinière préraphaélite, institutrice déjantée, reine clownesque, Folle de Chaillot harnachée pour quelque grande occasion… on ne sait trop à quelle esthétique se rattachent les deux tenues arborées par la soprano au cours de cette soirée. Aux strass, diadème et pompons queue de lapin s’associent une sorte de danse constante, des déhanchements, des doigts pointés et force regards exorbités.
 

L'ensemble Amarillis © Bertrand Pichène

L’ensemble Amarillis ouvre la soirée par une série de préludes et de danses de Purcell joués avec une saine vigueur, à l’issue desquels Patricia Petibon surgit pour chanter « Crown the Altar », la Birthday Ode for Queen Mary : d’emblée le spectacle bat son plein, avec mots surarticulés ou à peine susurrés.
L’artiste prend un visage plus sérieux pour interpréter la cantate Tombeau pour Aliénor, commande passée conjointement à Thierry Escaich par Amarillis et par le festival d’Ambronay, dont la création a eu lieu en avril dernier à Fontevraud. Sur sept poèmes d’Olivier Py – dont quatre sonnets de forme classique, en alexandrins, qui semblent renvoyer bien davantage à l’univers mental de leur auteur qu’à celui d’une reine médiévale – Thierry Escaich a composé une musique raffinée et variée, qui accorde un rôle important aux percussions et qui adopte parfois un caractère très rythmé. On ne peut guère lui reprocher que d’un peu trop se fier au parlé plutôt qu’au chanté (plusieurs des sept poèmes sont intégralement déclamés en mélodrame), le lien avec ce qui précède étant assuré par l’insertion d’une chaconne de Purcell dans le dernier numéro.
 

© Bertrand Pichène
 
Après l’entracte, on passe à Haendel, avec d’abord un air de l’opéra Agrippina, dont l’orchestration réduite à six instruments devient vraiment très légère, et que la soprano interprète sans donner l’impression de beaucoup se soucier du sens des paroles. Il en va tout autrement, par bonheur, de la cantate Agrippina condotta a morire, qui est chantée avec un réel investissement dramatique et où Patricia Petibon montre qu’elle reste une haendélienne tout à fait convaincante. Dommage que la cantate soit tronçonnée et réduite à quelques fragments, même si dans les interstices l’ensemble Amarillis glisse les trois mouvements (donnés en ordre inversé) d’une sonate en trio où Héloïse Gaillard au hautbois tient la vedette.
Somme toute, un Petibon Show où il y en a pour tous les goûts – certains spectateurs semblent ne pas encore avoir digéré la décision du festival d’inclure la création contemporaine dans sa programmation –, un concert avec beaucoup d’afféteries de la part de la soliste, mais on y est un peu habitué, et aussi avec de vrais morceaux de très belle musique dedans.
 
Laurent Bury

 

 
« Destins de reines » : Purcell, Escaich, Haendel. Patricia Petibon et l’ensemble Amarillis (Alice Piérot, violon ; Liv Heym, violon et alto ; Atsushi Sakai, viole et violoncelle ; Jeanne Jourquin, clavecin ; Yula S., percussions ; Daniel de Morais, guitare et théorbe ; Héloïse Gaillard, flûte, hautbois et direction).
 
Ambronay, Abbatiale, 30 septembre 2023
 
Photo © Bertrand Pichène

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