Journal

Rencontre avec Marie Jacquot, cheffe d’orchestre – Souriante énergie

 

 
Si son activité se concentre en terre germanique (première cheffe invitée à l’Orchestre symphonique de Vienne depuis 2023, elle prendra la direction de celui de la WDR de Cologne en 2026) et au Danemark (cheffe principale à l’Opéra de Copenhague depuis 2023), le nom de Marie Jacquot commence à être connu en France. À Paris, son concert à la tête de l’Orchestre des Lauréats du Conservatoire en février 2023 avait été remarqué, tout comme celui avec l’Orchestre de chambre de Paris en avril 2024 (1), peu après la « Révélation chef d’orchestre » aux Victoires de la Musique.

 

 
En passant par la Lorraine
 
Un distinction et deux concerts parisiens qui s’inscrivaient dans le prolongement de plusieurs apparitions dans l’Est de la France. Quoi de plus normal après tout, compte tenu de l’ascendance lorraine de la jeune cheffe. Après un concert avec l’Orchestre symphonique de Mulhouse au tout début de la décennie, Marie Jacquot avait retrouvé cette formation en septembre 2022 à l’Opéra du Rhin pour la création d’Until the Lions de Thierry Pécou, inscrite dans le cadre des manifestations du cinquantenaire de l’Opéra national du Rhin. Deux mois plus tard elle ralliait à nouveau les suffrages à l’Opéra de Nancy avec Prokofiev et un savoureux Amour des trois oranges mis en scène par Anna Bernreitner.
Une manière d’entrée dans la vie musicale française "par la petite porte", pour celle qui avait accompli une large partie de sa formation à Vienne et à Weimar : l’Universität für Musik und darstellende Kunst Wien d’abord – où elle était venue étudier à 19 ans, ne se sentant que peu de goût pour le caractère extrêmement concurrentiel du système français – avec Uros Lajovic (disciple du grand Hans Swarowsky), puis avec Nicolás Pasquet à Weimar.
 
Premiers pas 
 
Si ces années autrichiennes et allemandes ont permis à Marie Jacquot de développer sa personnalité, de travailler beaucoup de répertoire (dont une impressionnante quantité de pièces contemporaines), elle n’oublie pas que c’est en France qu’elle a appris à diriger. Parallèlement à son instrument, le trombone, elle découvre la direction dès 14 ans grâce à Roberto Gatto, au Conservatoire de musique de Lucé près de Chartres, sa ville natale. Un professeur qu’elle retrouvera ensuite au moment des années au CNR (désormais CRR) de la rue de Madrid. « C’est lui qui m’a appris à diriger, à pousser mon écoute interne », se souvient-elle avec une évidente reconnaissance.

 

© Werner Kmetisch 

 
L’apport du tennis
 
Roberto Gatto, et le tennis pourrait-on ajouter, car, durant ses années d’adolescence Marie Jacquot pratique ce sport à très haut niveau ; une « expérience de gestion de l’énergie » dont elle mesure d’ailleurs l’apport irremplaçable dans le métier qui est le sien aujourd’hui.
Plutôt que de se poser en maestra faisant tomber la foudre de son inspiration sur les membres de l’orchestre, la cheffe se voit plus modestement – mais avec quelle clarté dans le propos et quelle souriante autorité – comme l’organisatrice du travail des autres. Canaliser les énergies, l'enjeu demeure toujours le même ... 

Premier concert à l’Orchestre national de France
 
Ce sera bientôt au tour des musiciens de l’Orchestre national de France de faire la connaissance de Marie Jacquot avec un programme donné le 20 mars à l’Auditorium de la Maison ronde et repris dès le lendemain à l’Opéra de Massy. Après Les Tziganes d’Elsa Barraine, brève pièce de 1959 pleine de rythmes et de pittoresque, on découvrira une création de Frédéric Maurin (né en 1976), le lauréat des SuperPhoniques 2024 (l’ex Grand Prix Lycéen des Compositeurs). « Une pièce pour grand orchestre, note la cheffe, d’une orchestration de couleur très française, très ouverte, très éclectique, avec énormément de percussions et dont l’aspect rythmique montre l’attachement du compositeur au jazz ».

 

Antoine Tamestit © InterMusica
 

Walton avec Alexandre Tamestit
 
N’était un concert quelques jours auparavant à Brême, le premier concert de Marie Jacquot au National marquerait aussi sa toute première collaboration avec Antoine Tamestit. Le Concerto pour alto de William Walton les réunit en Allemagne comme à Paris et gageons qu’avec des interprètes de ce niveau une interprétation pleine de souffle narratif attend l’auditoire dans ce chef-d’œuvre trop méconnu. Quant à la Suite de Petrouchka (version 1947), on ne doute pas que la tonique baguette de la Française saura en faire jaillir les timbres.
 
En attendant Toulouse
 
Marie Jacquot n’en aura d’ailleurs pas fini avec la France cette saison car, après des programmes aux Etats-Unis et au Canada avec Marie-Ange Nguci en soliste, elle sera de retour pour un doublé (15 et 16 mai) à l’Orchestre du Capitole. Première rencontre aussi avec la phalange toulousaine autour du Concerto de Sibelius (sous l’archet de Bohdan Luts) et de la Sinfonietta de Korngold. «Une partition éblouissante quand on sait qu’elle fut écrite par un musicien de 15 ans ; une véritable ode à la vie », s’enthousiasme la cheffe, impatiente de s’y plonger !
 
Alain Cochard

 

(Entretien avec Marie Jacquot réalisé le 27 février 2025)
 
(1) www.concertclassic.com/article/marie-jacquot-dirige-lorchestre-de-chambre-de-paris-quand-la-forme-fait-sens-compte-rendu
 
 
Site de Marie Jacquot : marie-jacquot.com/fr
 
Orchestre National de France, dir. Marie Jacquot /Antoine Tamestit, alto
Œuvres de Barraine, Maurin, Walton, Stravinsky
 
20 mars 2025 – 20h
Paris – Maison de la Radio
www.maisondelaradioetdelamusique.fr/evenement/stravinsky-petrouchka?s=771487
 
musiquecontemporaine.org/mediation-et-developpement-des-publics/actualites/journee-des-superphoniques-des-lycees-jeudi-20
 
21 mars 2025 – 20h
Massy - Opéra
 
https://billetterie.opera-massy.com/selection/event/date?productId=10229198384374&gtmStepTracking=true&lang=fr
 
Photo © mariejacquot.com

Partager par emailImprimer

Derniers articles