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Rencontre avec Renaud Capuçon – Musique, famille, partage ...
Co-fondateur et directeur artistique du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence, Renaud Capuçon est aussi créateur, toujours à Aix-en-Provence, du Festival Nouveaux Horizons consacré aux compositeurs d’aujourd’hui et aux jeunes interprètes. Directeur artistique des Sommets Musicaux de Gstaad, il vient de se voir confier les mêmes responsabilités aux Rencontres musicales d’Evian dont il signera l’été prochain le programme du 30e anniversaire après celui des 10 ans du Festival de Pâques. Directeur musical de l’Orchestre de Chambre de Lausanne, il enseigne aussi le violon à la Haute Ecole de Musique de la capitale du canton de Vaud, se produit en concert sur les scènes du monde en tant que violoniste soliste ou chef, parfois les deux, enregistre désormais pour DG… Sans oublier d’être père de famille ! Nous l’avons rencontré à Aix-en-Provence au lendemain d’un superbe concert Prokofiev, Berlioz, Ravel, Fauré avec l’Orchestre de Lausanne et à l'approche d'une série de trois soirées Mozart, Beethoven avec l'Orchestre de Chambre Nouvelle Aquitaine, les 11, 13 et 15 décembre, à Tarbes, Arcachon et Niort (1), en compagnie de remarquables jeunes solistes.
Lorsqu’on lui pose d’emblée la question de savoir si assurer trois directions artistiques de festivals internationaux reconnus n’est pas trop pesant en risquant d’être redondant, Renaud Capuçon n’hésite pas une seconde : « En fait, Aix-en-Provence, Gstaad ou Evian, sont des lieux qui m’étaient familiers et les projets artistiques auxquels on me demandait de participer me satisfaisaient pleinement. Je n’ai postulé à rien. Ce sont les organisateurs qui m’ont fait des propositions que j’ai pris plaisir à accepter. Dans les choix que je dois effectuer pour composer les programmes, je tiens compte des spécificités locales, des publics, des ambiances… On n’invite pas les mêmes artistes et les mêmes œuvres au cœur de l’hiver dans une chapelle alors que la neige tombe à gros flocons qu’au printemps dans une salle de 1400 places à deux pas du cours Mirabeau ou qu’en été dans la Grange au Lac sur les rives du Léman… Et j’ai la chance de pouvoir compter sur des interprètes de haut niveau, souvent jeunes, pour animer ces trois festivals. »
Au quotidien, lorsqu’on ajoute la carrière de soliste, celle de chef, l’enseignement, la famille il est presque logique de vouloir en savoir un peu plus sur le quotidien de l’artiste. Ici aussi il ne se dérobe pas. « J’ai la chance de pouvoir œuvrer dans presque tous les domaines rattachés à la musique ; c’est un privilège et c’est ma vie ! Si j’avais senti du stress ces dernières années j’aurais immédiatement diminué mes activités. Mais au contraire, au fil des ans et des choses de la vie, personnelle et professionnelle, le stress a plutôt diminué. Je gère mon temps de façon différente, tout est très organisé et j’arrive même à prendre plus de temps pour être avec mon fils ; ce qui est le plus important. Il a aujourd’hui 12 ans et nous pouvons partager de plus en plus de choses ensemble. Puis je dors peu, cinq heures par nuit me suffisent… »
© Caroline Doutre
Une carrière de soliste, c’est un lieu commun que de le dire, nécessite des heures de travail sur l’instrument chaque jour. Et sur ce point il n’y a pas d’impasse pour Renaud Capuçon. « Ici aussi tout est question d’organisation. C’est vrai que si je jouais les deux mêmes concertos tout au long d’une saison ce serait différent. Mais ce n’est pas le cas, d’autant plus que j’adore créer des œuvres de compositeurs d’aujourd’hui. Impossible d’être au niveau sans passer des heures et des heures à apprendre… Je pense que le jour où je vais commencer à moins travailler le violon, il y aura des décisions à prendre ; réduire le nombre de concerts en est une. Mais pour l’heure ce n’est pas le cas. »
Il y a quelques années, l’envie de diriger s’est faite de plus en plus forte et Renaud Capuçon a alors franchit le pas, soit au pupitre, soit depuis son archet. Sa passion initiale pour la direction est toujours là ; voire encore plus présente. « Je dirige de plus en plus. Et de plus en plus au pupitre ce qui me satisfait pleinement. C’est fabuleux de pouvoir assouvir un désir comme ça et de pouvoir vivre une nouvelle passion musicale au jour le jour. J’ai encore beaucoup de contrées à visiter. En janvier, par exemple, ce sera Le Bourgeois Gentilhomme de Strauss. La direction musicale me permet de repousser mes limites en permanence ; mais avec prudence. Certes je rêve des symphonies de Brahms, mais pour l’heure ça reste du domaine du rêve ! Dans ce secteur aussi j’ai la chance de pouvoir compter sur mes amis chefs auprès desquels je prends souvent conseil. »
On le sait peut-être moins, mais la volonté de transmettre aux jeunes musiciens est très présente dans la carrière de Renaud Capuçon au-delà de son activité de professeur. A Aix-en-Provence, au Festival de Pâques, il programme chaque année un concert « génération@aix » qui voit plusieurs jeunes instrumentistes aux côtés d’un « ancien » qui dispense ses conseils ; toujours à Aix, depuis trois ans, à l’automne, c’est Nouveaux Horizons qui commande des œuvres à la nouvelle génération de compositeurs et les fait créer par de jeunes musiciens. Par ailleurs le violoniste a créé un label « Beau soir production » pour, dit-il, « faire la courte échelle aux nouveaux talents ». Il est aussi désireux de s’entourer souvent de jeunes solistes. Ainsi, les 11, 13 et 15 décembre (1), il dirigera l’Orchestre de Chambre de Nouvelle-Aquitaine avec, entre autres, la Symphonie concertante de Mozart et le Triple concerto de Beethoven au programme. « Pour cette série de trois concerts, j’ai demandé à Raphaëlle Moreau au violon, Paul Zientara à l’alto, Julia Hagen au violoncelle et Nathalia Milstein au piano d’être les solistes. J’aime ces instants de partage qui sont toujours d’extraordinaires moments musicaux. Ca fait partie intégrante et importante de ma vie de musicien. »
Renaud Capuçon et Kit Armstrong © Michel Egéa
Le mois de novembre a vu naître son premier CD chez Deutsche Grammophon, label avec lequel il collabore désormais. Un enregistrement réalisé au dernier festival de Pâques en compagnie de Martha Argerich avec laquelle Renaud Capuçon entretient une riche collaboration et beaucoup de complicité depuis des années. On y entend Beethoven (Sonate « à Kreutzer ») Schumann (Sonate n° 1) Franck. Un dialogue remarquable de sensibilité et de beauté. « C’était le concert hommage à notre ami Nicholas Angelich, se souvient Renaud Capuçon. Sans savoir qu’il deviendrait un CD j’avais pensé qu’il était important de l’enregistrer… Le prochain enregistrement pour DG sera l’intégrale des concertos de Mozart, suivi de celle des sonates violon-piano de Mozart avec Kit Armstrong… » Kit Armstrong, un autre jeune pianiste révélé il y a quelques années par Renaud Capuçon qui conclut : « Tout ça est fort réjouissant, ce sont des moment qui nous tirent vers le haut… »
Michel Egéa
(Entretien avec Renaud Capuçon réalisé le 5 décembre 2022)
(1)n Mozart et Beethoven avec l'Orchestre de Chambre Nouvelle Aquitaine : www.ocna.fr/programmes/match-aller
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