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Rienzi selon Jorge Lavelli à Toulouse - Le feu au Capitole - Compte-rendu
Opéra maudit créé triomphalement à Dresde en 1842 (un an avant Le Vaisseau fantôme), Rienzi n’a été joué en France depuis sa version scénique de 1869 que dans des adaptations en version de concert peu satisfaisantes. Pourtant Wagner l’avait destiné à l’origine au public parisien ! Il faut d’autant plus saluer en cette période de vaches maigres l’initiative du Capitole de Toulouse qui, à l’aube de la célébration du bicentenaire de la naissance du maître de Bayreuth, ouvre sa saison avec une œuvre surdimensionnée, digne des grands péplums à la Meyerbeer mais aussi laboratoire des drames musicaux à venir.
En dépit de coupures inévitables (Rienzi dure en réalité six heures avec les entractes), le travail effectué sur une durée de quatre heures possède cohérence et fluidité. La mise en scène de Jorge Lavelli ne s’attache pas à suivre le chemin de la mode et des supports de la technologie d’aujourd’hui. On retrouve dans les déplacements des personnages, dans la maîtrise des masses chorales, dans l’intelligibilité du discours, cet art classique et ce regard d’une grande acuité que l’on a toujours appréciés dans son approche théâtrale Constituée de murs et portes de métal rouillé, la configuration de l’espace scénique imaginée par Ricardo Sánchez Cuerda, - univers fermé, sombre, qui ne s’ouvre que par instants pour laisser s’échapper les personnages -, crée un huis clos ouvert seulement pour les scènes de foule ou de bataille. La dimension politique, l’ingratitude du peuple, la marche menant au pouvoir personnel du tribun transparaissent au fil d’une progression continue. L’action trouve son apothéose dans les deux derniers actes avec l’excommunication du héros et son assassinat dans le Capitole en flammes.
La jubilation est aussi présente dans la fosse avec la direction fébrile, enlevée et énergique de Pinchas Steinberg qui, à la tête d’un excellent Orchestre national du Capitole, fait feu de tout bois dès l’Ouverture sans trop se soucier des contrastes et de l’écrin de la salle. Les Chœurs du Capitole sont associés ceux de la Scala de Milan : tantôt statiques, tantôt mobiles, ils occupent l’espace et, par leur homogénéité, font oublier parfois les incontournables Chœurs de Bayreuth. La distribution rend justice pour l’essentiel à un ouvrage nourri d’influences multiples : synthèse de l’opéra romantique allemand, de la fresque historique française et du goût italien. Torsten Kerl campe un Rienzi d’une présence physique impressionnante. Son assurance vocale est celle d’un Heldentenor sans faille à la tenue exemplaire tant au niveau du souffle que de l’intonation, ne manifestant aucune baisse de tension dans un rôle redoutable. La prière du début du V est un grand moment de professionnalisme digne du pur style wagnérien.
A son côté, la mezzo-soprano française Géraldine Chauvet dans le rôle travesti d’Adriano brûle les planches par son engagement, sa facilité à se lover dans les vocalises quasi rossiniennes de son grand air du IIIe acte où, en proie aux conflits intérieurs, elle parvient à une incarnation saisissante.
Seul point faible, la Suédoise Marika Schönberg en Irène (la sœur de Rienzi) qui éprouve beaucoup de difficultés à nuancer un chant aux confins de l’hystérie, loin de ce que l’on attend d’un soprano lyrique. En revanche, les autres protagonistes apportent leur contribution avec justesse, en particulier Robert Bork en Cardinal Orvieto, basse chantante très chaleureuse, ou encore Richard Wiegold en Colonna, Stefan Heidemann en Orsini et Marc Heller en Baroncelli.
Après une telle réussite, en attend impatiemment en novembre à Toulouse, l’opéra Written on Skin de George Benjamin acclamé lors de sa création en juillet dernier au Festival d’Aix-en-Provence.
Michel Le Naour
Wagner : Rienzi - Toulouse, Théâtre du Capitole, 30 septembre, prochaines représentations les 3, 7, 10 et 14 octobre 2012/ www.theatre-du-capitole.org
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Photo : DR
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