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Roberto Alagna, Iva Mula et Dmitri Hvorostovsky chantent des extraits d’Otello à Pleyel – Avant Orange – Compte-rendu
Resté sans lendemain depuis 2003, date à laquelle Roberto Alagna avait revêtu la tunique du Maure le temps de remplacer Placido Domingo à Los Angeles et malgré quelques tentatives au disque (1er duo avec Angela Gheorghiu et Abbado dans Verdi per due et deux airs toujours avec Abbado pour l’album Verdi Arias chez Emi en 1998), Otello n'en finissait pas d'être reporté. A quelques semaines des prochaines Chorégies d’Orange où le ténor est programmé pour deux représentations (1), Les Grandes Voix lui ont proposé de se confronter au chef-d’œuvre verdien et d'interpréter ses plus grands passages en compagnie d'Inva Mula (Desdemona) et de Dmitri Hvorostovsky (Iago).
Si Alagna n'a pas vraiment démérité au cour de cette soirée, conscient de pouvoir tester en public sa future résistance au rôle, il n'a pas non plus ébloui, ni électrisé la Salle Pleyel. Incertain dans les premières strophes du « Gia nella notte densa », gêné par la profondeur barytonale exigée, Alagna cherche un juste foyer vocal, mal assuré, fâché avec la justesse, face à une Desdemona à la placidité désarmante, inexpressive, au timbre insipide, sauvée par quelques aigus éthérés, impression qui ne fera qu'empirer lors du second duo « Dio ti giocondi » pauvre en couleur, puis dans un affligeant « Air du Saule », débité sans la moindre imagination.
Lui aussi précautionneux dans son approche vocale du fameux « Credo » qui demande un registre plus fourni et une noirceur moins fabriquée, Dmitri Hvorostovsksy, par son charisme et son instinct dramatique trouve rapidement ses marques en Iago. Fielleux, cauteleux, sans oublier d'être séduisant, il désarçonne bientôt Otello pour le conduire habilement sur le terrain de la jalousie (« Era la notte »).
Alagna réchauffé, plus impliqué, fait certes fi des nuances (« Dio mi potevi »), le contraire de Vickers ou de Galouzine, optant trop souvent par facilité pour le muscle et les décibels, recourant même à d'inutiles points d'orgue (« Ora per sempre ») sans posséder la voix du rôle - celle de Del Monaco, de Vinay ou de Cura – mais, tel le roseau de la fable, ne plie pas.
Il faudra patienter jusqu'au finale, au moment de l'héroïque « Niun mi tema », pour percevoir ici la beauté d'un instrument à peu près intact, là la morbidezza d'un timbre mis en valeur par l’impeccable diction d’un artiste qui, malgré de louables efforts, a mieux à faire ailleurs. Kaufmann qui a prévu d'aborder prochainement ce rôle emblématique, semble mieux armé ! Attendons.
Déception du côté de l'Orchestre National d'Ile-de-France, aux cordes rétives (violoncelles du 1er duo), trop fréquemment poussé par Riccardo Frizza dans un excès sonore qui nuit à l'unité de l'ensemble et contraint les interprètes à lutter pour se faire entendre.
François Lesueur
Paris, Salle Pleyel, 27 juin 2014
les 2 et 5 août ( à 21h30), dirigé par Myung-Whun Chung à la tête du Philharmonique de Radio France, avec Inva Mula (Desdemona) et Seng-Hyoun Ko (Iago), dans une mise en scène de Nadine Duffaut. www.concertclassic.com/concert/otello-de-giuseppe-verdi-0
Photo © Studio Harcourt - DG
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