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Roméo et Juliette à l’Opéra de Marseille - La déroute - Compte-rendu
Une valse pour soprano ailé (1) et un air de bravoure pour ténor chevronné (2) ne suffisent plus au public contemporain, habitué à des ouvrages revisités autrement plus denses et résistants, ainsi qu'aux approches les plus variées. En assistant à cette représentation aussi plate qu'insignifiante de Roméo et Juliette, nous avons souffert pour les artistes, lâchés sur scène sans la moindre cohérence et éprouvé un malaise constant pour ce fameux répertoire français, maintenu artificiellement pour satisfaire quelques nostalgiques d'un passé aujourd'hui révolu et indéfendable.
Qui peut en effet se satisfaire d'une partition si désuète, de personnages si hâtivement dessinés, d'une dramaturgie si misérable, « Sans rapport avec le sujet et se contentant d'effleurer l'anecdote », comme l'écrivait Henri Blaze de Bury au lendemain de la première (3), qu'elle finirait presque par nous faire douter des qualités de l'original shakespearien ?
Personne. Face aux décors étiques et sans âme de Bruno Schwengl, aux éclairages incohérents de Patrick Méeüs et à la mise en scène inconsistante d'Arnaud Bernard (auteur pourtant d'une excellente Dame de pique à Toulouse en 2008), pour qui la gesticulation des choeurs et quelques risibles combats à l'épée sont synonymes de trouvailles scéniques, alors qu'il laisse ses interprètes errer sur le plateau, sans se regarder - quand ce n'est pas se traîner à terre tels des chenilles – nous sommes restés consternés.
Courageux, mais inexpérimenté, le jeune ténor roumain Teodor Ilincai possède un aigu percutant, mais les caprices de son intonation, tantôt vaillante tantôt sourde, doivent être résolus s'il souhaite un jour se rapprocher d'Alain Vanzo ou de Roberto Alagna, glorieux à l'Opéra Comique en 1994 ; et que dire de sa gaucherie scénique !
Nicolas Testé campe heureusement un excellent Frère Laurent, Pierre Doyen affronte avec assurance le rôle de Mercutio, tout comme Bruno Comparetti, parfait Tybalt aux côtés de Jean-Philippe Lafont, Capulet à la faconde communicative, Eduarda Melo se tirant tout juste de Stéphano, la palme du mauvais goût revenant à Isabelle Vernet, Gertrude à bout de voix.
Nous attendions sans doute trop de Patrizia Ciofi (superbement costumée à la manière d'un Bronzino) dont les plis de Juliette ne tombent pas aisément dans la voix. Rêche et étouffé, son instrument rebelle ce soir, pourtant si expressif, ne trouve jamais ni l'espace ni le temps pour s'épanouir ce qui nous vaut une valse presque écorchée, un duo d'amour sans éclat et une scène du poison, certes plus intense, mais quasi expédiée, qui sont loin de situer sa prestation au niveau de sa Maria Stuarda (à Liège) ou du récent Hamlet sur la scène phocéenne. Dommage.
Attentive et soignée, la direction de Luciano Acocella reste malgré tout passe-partout, le manque de flamme et de relief n'aidant pas à sauver cette soirée que l'on oubliera vite.
François Lesueur
(1) « Je veux vivre dans ce rêve » / acte 1, ajouté rappelons-le ajouté à la demande de Mme Miolan Carvalho, l'épouse du directeur de l'Opéra Comique.
(2 ) « Ah lève-toi soleil » / acte 2.
(3) La Revue des Deux Mondes / avril 1867.
Gounod : Roméo et Juliette – Marseille, Opéra, 14 octobre, prochaine représentation le 19 octobre 2011. www.opera.marseille.fr
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Photo : Opéra de Lausanne
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