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Salomé (en version française) à Liège – La victorieuse Salomé d’Anderson - Compte-rendu


La première reprise de cette Salomé coproduite avec de nombreux théâtres européens, en ce moment à Liège, avait sans doute peu à voir avec sa version initiale donnée en février dernier à Monte-Carlo. Après Nicola Beller Carbone dans l'original allemand, June Anderson, inattendue dans ce rôle exposé, a choisi d'incarner la Princesse de Judée dans une traduction française rarement proposée, celle qui permit aux publics parisien et bruxellois de découvrir l'oeuvre en 1907.


Le Palais Opéra n'est certainement pas le lieu le plus approprié pour savourer les sortilèges orientalisants de Strauss ; les voix se perdent fréquemment dans l'air et l'orchestre réfrène ses ardeurs pour ne pas noyer les lignes. Difficile dans ces conditions de juger sereinement la direction très mesurée, économe même, de Paolo Arrivabeni qui ne se déploie véritablement qu'au final. On regrette bien sûr l'intimité feutrée d'un théâtre à l'italienne, mais le spectacle est suffisamment prenant pour retenir l’attention.

Pour sa première mise en scène, la jeune Marguerite Borie a trouvé en Laurent Castaingt un éclairagiste doublé d'un scénographe de choix, chacun de ces artistes épousant, respectant et suscitant les idées de l'autre pour répondre à une conception générale de qualité. Esthétique épurée : un tulle et une grille qui font écran (L. Castaingt s’inspire de la fresque vaticane de Raphaël La libération de Saint-Pierre), puis libèrent l'espace ; sol incliné percé en son centre, dominé par une vaste tour lugubre alla Bramante.

Eclairé avec goût, joué avec rigueur, le drame avance avec précision et réserve quelques belles images comme celle du Prophète drapé de rouge qui sort de la citerne blanche alors intensément éclairée, plus loin celle où Salomé émoustille les invités mâles d'Hérode et se fait arracher des morceaux de robe, comme si son corps allait être dépecé, ou encore celle qui nous la montre en train de jouer avec la tête de Jochanaan enroulée d'un long tissu rouge - idée déjà utilisée par Carlos Wagner à Montpellier en 2005 - d'une réelle intensité ; le plus bel effet demeurant celui où le sol troué se lève doucement pour refléter celui de la citerne dans laquelle sera bientôt engloutie la Princesse.

Après Karen Huffstodt à Lyon avec Kent Nagano (Virgin - 1993), mais dans un français autrement intelligible et une autorité vocale bien plus étourdissante, June Anderson a fait sensation dans un rôle qu'aucune autre cantatrice avant elle n'avait abordé si tardivement... L'instrument épanoui, étendu, incisif du grave à l'aigu, lui permet de tenir le personnage, de le défendre avec une ardeur et une conviction qui lui auraient peut être fait défaut il y a vingt ans. Souvent gauche en scène, à l'exception de sa vertigineuse Lucia di Lammermoor spécialement conçue par Andrei Serban à la Bastille en 1995, elle trouve ici une direction d'acteur sage et soignée dans laquelle elle semble s'être glissée sans difficulté. Boudeuse sans excès, capricieuse sans exagération, elle sait jouer de ses charmes et obtenir ce qu'elle désire pour « son propre plaisir ». Impossible pendant la scène finale, de ne pas être ému, écrasé par cette voix toujours radieuse, après trente ans de bons et loyaux services, s'élever par-dessus l'orchestre avec des accents proches de ceux de Marjorie Lawrence sur le pathétique et grisant aveu : « Si tu m'avais regardée, tu m'aurais aimée ».

Vincent le Texier que l'on avait senti éprouvé à la Bastille aux côtés de Camilla Nylund en 2009 (dans la production de Lev Dodin), est cette fois un très honorable Jochanaan au français percutant et Donald Kaash un formidable Hérode, joué et chanté comme rarement, le contraire absolu de Mme Zampieri (Hérodias) dont la présence sur une scène est un affront à ceux qui font leur métier avec respect, le reste de la distribution étant globalement bien tenu.

Après Lucrezia Borgia et avant Manon, prévue la saison prochaine, June Anderson est donc loin d'avoir dit son dernier mot. On s'en réjouit !

François Lesueur

Strauss : Salomé (version française) – Liège, Opéra Royal de Wallonie, Palais Opéra, le 12 juin, prochaines représentations les 15 et 18 juin 2011. Rens. : www.operaliege.be

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Photo : DR

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