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Salomé selon Lydia Steier à l’Opéra Bastille – Grandguignolesque fatras – Compte-rendu
Encore une nouvelle provocation à l’Opéra National de Paris. Faut-il s’en offusquer, réagir bruyamment comme une grande partie du public, contre les « auteurs » de cette mascarade qui ont facilement obtenu ce qu’ils espéraient, à savoir « faire le buzz », ou ne pas se formaliser ? La question reste entière et ce n’est pas en un article que nous parviendrons à trouver la réponse… Au programme de ce spectacle signé Lydia Steier – qui débute à la Bastille – pour le moins grandguignolesque, corps nus suppliciés jetés en fosse, masturbation, coïts, fellations, sodomies et viols à tous les étages et pendant toute la représentation. Le drame originellement sulfureux de Wilde mis en musique par un Strauss visionnaire et flamboyant, opère ici un sordide virage. Rien ne manque à cette vision cauchemardesque et gratuite qui laisse le champ libre aux fantasmes les plus bas, plutôt que de traiter le sujet et ne pas lui faire dire ce qu’il ne dit pas.
© Agathe Poupeney
Confusion des lieux, du temps, des mœurs, tout se dilue dans une action nauséeuse où les repères ont disparu, la nuit et le jour n’existent, plus, où la vie et la mort sont banalisés et où tous les droits sont bafoués. Dans ce fatras visuel et spatiotemporel, comment faire retentir les paroles d’un « Prophète » retenu en cage par un dictateur décadent, Hérode, qui ne se refuse aucun plaisir pourvu qu’il soit ignoble et sans limite, tout en aspirant à déflorer sa belle-fille mutique (Salomé), sous les yeux de sa femme Hérodias, totalement toquée et libidineuse (seins nus offerts et total look façon Absolutly fabulous) ? Transformer l’adolescente vénéneuse en un objet de marchandise si ordinaire dénué de tout érotisme, au profit d’un être banal abandonné à lui-même et uniquement poussé à se démarquer n’a rien de nouveau. Salomé provoque donc le prisonnier qui insulte sa mère et imagine pouvoir s’en faire aimer.
© Agathe Poupeney
Ce dernier la repousse, la conspue et c’est LA révélation ; le premier orgasme qui la cloue à terre. Il ne lui reste plus qu’à connaître désormais l’acte sexuel, étape initiatique et indispensable que Salomé ne va pas tarder à découvrir au cours d’une interminable « danse », pendant laquelle elle consent à se faire caresser, déshabiller (ah respirer ses doigts et la petite culotte avant de la lancer en l’air, quelle beauté !) avant de prendre les commandes en débraguettant Hérode pour mieux grimper sur lui et devenir femme. Hérode laisse vite sa place à ses invités (une horde de travestis, non genrés, SM en latex, ou sosie d’Amy Whinehouse) qui vont se ruer sur elle pour la violer à la chaîne et la laisser intégralement couverte de sang. Hagarde, la pauvre victime se venge en exigeant la tête du Prophète sur un plateau d’argent – que l’on ne verra jamais – celui-ci étant remplacé par un vulgaire sac en plastique que respire une Salomé rampante, tandis que son double exulte de bonheur en allant rejoindre Iokhanann. Non décapité, il l’entoure et l’embrasse outrageusement alors que la cage s’élève à plusieurs mètres du sol pour conduire les amant réunis vers un avenir que l’on espère radieux…. La messe est dite !
© Agathe Poupeney
Huées générales aux saluts pour la « metteuse en scène » et son équipe, accueil mitigé pour la cheffe Simone Young dont la direction simplette, dénervée, exempte de sensualité et d’effluves orientaux ne séduit jamais l’oreille, applaudissements nourris pour la première Salomé d’Elza van den Heever. Après sa merveilleuse Impératrice et sa superbe Chrysothemis, cette prise de rôle était très attendue : ce n’est malheureusement pas dans de telles conditions scéniques que la cantatrice peut donner le meilleur d’elle-même et de son grand talent. Elle tient pourtant le personnage, en possède l’endurance, la complexité et la charge mentale, mais son interprétation ne prendra son envol que dans un autre contexte et dans un décor plus flatteur pour son timbre que cet infâme bunker absorbeur de son. John Daszak est un puissant Tétrarque détraqué, Karita Mattila une Hérodias survoltée, mais à l’instrument émacié, Iain Paterson un solide Iokhanaan, le reste de la distribution n’appelant aucune réserve. Bravo à eux pour supporter pareil traitement.
François Lesueur
Richard Strauss : Salomé – Paris, Opéra Bastille,15 octobre ; prochaines représentations les 18, 21, 24, 27, 30 octobre, 2 & 5 novembre 2022/ www.operadeparis.fr/saison-22-23/opera/salome (retransmission dans les Salles UGC le 27 octobre / www.ugc.fr/opera.html?id=14531)
Photo © Agathe Poupeney
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