Journal
Sébastien Daucé et l’ensemble Correspondances à Caen – Toutes les qualités pour servir Bach – Compte-rendu
Connu et reconnu depuis longtemps pour sa passion et ses interprétations des maîtres français (célèbres et méconnus) du XVIe siècle, Sébastien Daucé (photo) élargit et enrichit, année après année, son univers musical. Avec son ensemble Correspondances – couronné il y peu par le prestigieux Prix Liliane-Bettencourt pour le chant choral – il a entrepris un véritable voyage qui l’a déjà conduit en Italie, en Angleterre, en Allemagne du Nord et aujourd’hui en Thuringe.
Après Buxtehude et les Membra Jesu Nostri, Jean-Sébastien Bach s’imposait naturellement. Sébastien Daucé a ainsi choisi trois des cinq cantates composées à Mülhausen vers 1707 : « Aus der Tiefe ruf’ ich sur dir » (BWV 131), « Actus tragicus » (BWV 106) et « Christ lag in Todesbanden ». (BWV 4). Ces trois œuvres ont en commun d’être structurées et nourries par des chorals et de ne comporter aucun récitatif ; elles s’ouvrent par une courte sinfonia et le jeune Bach de 22 ans qui, à Mülhausen, a le seul titre d’organiste, démontre dans chaque « Kirchenmusik » son art maîtrisé du contrepoint.
Mais ce qui est par-dessus tout remarquable, c’est l’impressionnante efficacité expressive de ces trois cantates en dépit d’une instrumentation parfois réduite : deux flûtes, deux violes de gambe et le continuo pour « Actus tragicus », quelques cordes, le continuo et un hautbois particulièrement sollicité dans « Aus der Tiefe ruf’ ich sur dir », deux duos avec la seule basse continue dans « Christ lag in Todesbanden ».
© DR
D’emblée, il faut souligner le travail ciselé de Sébastien Daucé avec les musiciens de l’orchestre, en particulier le riche continuo constitué d’un archiluth, d’un basson, d’un violone, d’un violoncelle et d’un orgue. Cette palette riche en couleurs s’adapte aux textes et aux affetti ; et sur ce socle les autres instrumentistes peuvent pleinement s’épanouir. Le hautbois de Johanne Maître, les flûtes de Lucile Perret et Mélanie Flahaut, les violes de gambe de Mathilde Vialle et Matthias Ferré sont pure merveille.
Le chœur est riche (au sens précis du mot) de trois chanteurs par pupitre, comme cela se pratique très souvent aujourd’hui, se fondant sur le mémorandum de Bach au sujet de l’organisation de la musique à Leipzig (« pour chaque chœur, il faut au moins 3 sopranos, 3 altos, 3 ténors et autant de basses »). Les parties chorales, fort nombreuses dans ces trois cantates, sont admirablement restituées dans leur clarté musicale et textuelle. S’agissant des interventions solistes, Sébastien Daucé a choisi de les confier soit à tout le pupitre soit à une voix seule, ce qui a le mérite de varier la couleur et le son.La soprano Caroline Weynants est tout en émotion dans le choral « Ich hab mein Sach Gott heimgestellt » d’ «Actus Tragicus » ; La mezzo Blandine de Sansal exprime, sans effet superflu, la tranquille confiance du verset 6 du Psaume 31 (BWV 106) La basse Lysandre Châlon traduit avec autant de vérité l’injonction d’Isaïe à mettre en ordre sa maison (BWV 106) que l’interrogation angoissée du 3e verset du Psaume 130 (BWV 131).
En choisissant trois cantates particulièrement connues et souvent données en concert, Sébastien Daucé et Correspondances couraient le risque de souffrir la comparaison avec d’autres ensembles spécialisés depuis longtemps dans ce répertoire. Il n’en est rien. D’emblée ils ont montré qu’ils possédaient les qualités indispensables pour servir Bach : la connaissance, l’enthousiasme et le bon goût.
Thierry Geffrotin
> Les prochains concerts baroques dans le Nord-Ouest de la France <
Caen, église Notre-Dame de la Gloriette, 28 novembre
Photo © Pavel Stelmach
Derniers articles
-
17 Décembre 2024Alain COCHARD
-
16 Décembre 2024Jacqueline THUILLEUX
-
14 Décembre 2024Laurent BURY