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Semele-Minkowski : entre surprise et mise au point
Depuis le 4 février, le Théâtre des Champs-Elysées accueille une toute nouvelle production, à savoir l’opéra Semele de Haendel, dirigé par Marc Minkowski. A ses côtés, ses complices de toujours : l’Orchestre et les Musiciens du Louvre-Grenoble, le tout pimenté d’un joli plateau vocal.
Pour rappel, l’histoire de Sémélé est issue du texte des Métamorphoses d’Ovide, un fond d’inspiration de taille pour les auteurs et compositeurs du XVIIe et XVIIIe siècle. Sous sa forme originale, en 1744, le livret portera tout d’abord le nom de « The Story of Semele », et l’œuvre sera représentée sans mise en scène et sans changement de décor. A mi-chemin entre l’oratorio et l’opéra, la partition s’offre comme un jeu mythologique, une occasion rêvée pour Haendel de donner libre cours à sa verve théâtrale, oscillant entre ironie et rigueur.
Envers et contre le désir du compositeur, force est de constater que l’œuvre se prête parfaitement à une adaptation scénique… Par contre, celle de David McVicar, pourtant généralement ingénieux, est ici plus que décevante. Concentrique et sans aucun apparat, le deux ex machina a du mal à se faire voir, la conception étant à la limite un rien trop simpliste (mise en espace du chœur en diagonale ou en hémicycle, les différents plans de perspective sont travaillés, les volumes ressortent, mais sans imagination). C’est passe-partout. Cela dit, cette considération n’aurait sans doute pas lieu d’être si l’interprétation globale ne souffrait d’inégalités déconcertantes… Ce soir là, la fosse était bien en deçà de la palette vocale.
Dès les premières mesures de l’ouverture, l’auditeur devrait avoir compris. Celui qui au disque est dit-on « indétrônable », Marc Minkowski, se démasque en live… A l’imprécision des attaques (et pourtant, une ouverture de Haendel, ce n’est pas la fin du monde !), s’ajoutent les décalages, multipliant les différences de dynamiques entre les solistes instrumentaux et la partie continuiste. Et c’est sans compter le ridicule d’une baguette qui passe de la main gauche à la droite, pour soudain tenter de diriger l’ornementation des chanteurs, ou le récit d’une voix, accompagnée d’un clavecin en retard. Et c’est là qu’on se dit que la gloire du Maestro doit beaucoup à ses judicieux choix de distribution…
En effet, les rôles titres de Sémélé et Jupiter sont ici sans égaux. Incarnant le personnage central (et ô combien sensuel) de la mortelle éprise du dieu, Annick Massis a véritablement déclenché l’enthousiasme. Justesse de style, richesse du son et diction exceptionnelle se sont joint à sa naturelle expressivité pour nous camper une Sémélé à la hauteur de ces pages. Quant à Richard Croft, après une première apparition sans faste, il a offert à la dame un écho de choc. Ebouriffant de virtuosité (en particulier dans le troisième acte), il a également donné le change au niveau de l’émotion.
En ce qui concerne les rôles secondaires, si Hellekant, MacFadden et Connoly sont remarquables (surtout dans leur récits), c’est David Pittsinger, avec son Somnus si prégnant qu’il faut sortir du lot. Le drame, vécu de l’intérieur prend avec lui toute son ampleur, tant tout semble s’animer autour de lui. Si l’on oublie l’Athamas (incarné par Stephen Wallace), assez faible vocalement, mais dont les airs ont été fort heureusement tronqué par le chef, et le Cupidon, assez vulgaire, soutenu par Marion Harousseau, les voix brillèrent de tout feu durant le spectacle. C’est l’essentiel dira–t-on.
Coralie Welcomme
Concert du 8/02/04 au Théâtre des Champs-Elysées, jusqu’au 14 février.
Richard Croft (Jupiter), Sarah Connolly (juno), Claron McFadden (Iris), David Pittsinger (Cadmus, roi de Thèbes/Somnus), Andrew Tortise (Apollo), Stephen Wallace (Athamas, Prince béotien), Annick Massis (Semele), Charlotte Hellekant (Ino, sœur de Semele), Marion Harousseau (Cupido), Orchestre et Chœur Les Musiciens du Louvre-Grenoble, direction Marc Minkowski, mise en scène David McVicar, chorégraphie Andrew George.
Photo : Alvaro Yañez
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