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Simon Boccanegra à l’Opéra National de Bordeaux –Humanité et tension – Compte-rendu
Imbroglio politique et sentimental, Simon Boccanegra (1857, révisé en 1881) n’a jamais connu le même engouement que d’autres opéras de Verdi et fut même un fiasco à la création. Pourtant, le compositeur a légué une partition d’une forte portée psychologique à ranger parmi ses grandes réalisations. Une histoire de pouvoir et de passion, en pleine guerre civile à Gênes au XIVe siècle, l’accession au dogat d’un corsaire plébéien incompris, victime des ambitions de la noblesse, la disparition d’une enfant élevée par un patricien mais qui s’avère finalement être la fille du Doge : tout contribue à rendre le livret complexe.
Pour sa première mise en scène d’opéra, Catherine Marnas, directrice du Théâtre national de Bordeaux, privilégie la lisibilité de l’action, usant avec bonheur de la simplicité du décor de Carlos Calvo (un hémicycle figurant tantôt une crique, tantôt la salle du conseil des doges ; les mouvements de rideaux et de voiles rythmant les différentes péripéties), et les costumes mêlent habits d’époque ou modernes sans que cela nuise à la lecture globale.
© Frédéric Desmesure / Opéra national de Bordeaux
Prise de rôle pour la plupart des chanteurs y compris Tassis Christoyannis qui campe un Boccanegra d’une profonde humanité. Sa voix ambrée d’une noblesse quintessenciée bannit tout excès et privilégie subtilité et intelligence, au détriment parfois de l’héroïsme. Le patricien Fiesco incarné par Solomon Howard, basse profonde à la violence rentrée, comme le plébéien Paolo d’Alexandre Duhamel, diction parfaite, sens théâtral constant, rendent justice à leur personnage. En revanche, Joshua Guerrero, dans le rôle du jeune patricien Gabriele Adorno, ne trouve pas toutes les ressources vocales pour vaincre les difficultés semées par Verdi ; l’Amelia de Rena Harms ne parvient pas non plus à convaincre en raison d’un timbre instable, d’aigus tendus et d’une inexpérience palpable. A la décharge de ces deux interprètes, il convient de noter qu’ils ont été appelés en remplacement de Charles Castronovo et Nicole Car.
Véritable maître d’œuvre de cette production, Paul Daniel offre une direction incisive, haletante, d’une constante tenue. Il ne lâche jamais prise et conduit les musiciens de l’ONBA ainsi que l’excellent Chœur de l’Opéra National de Bordeaux (préparé par Salvatore Caputo) avec panache, ardeur et tension tout en fouillant les riches détails d’une orchestration finement ciselée.
Michel Le Naour
Verdi : Simon Boccanegra : Bordeaux, Grand Théâtre, 27 janvier, dernière représentation le 3 février 2016 / www.concertclassic.com/concert/simon-boccanegra
Photo © Frédéric Desmesure / Opéra national de Bordeaux
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