Un concert symphonique a-t-il vraiment sa place dans un festival d'art lyrique ? À vrai dire, la question ne s'est guère posée pour le concert du London Symphony Orchestra au Grand Théâtre de Provence : les quatre-vingt-dix mesures de l'introduction orchestrale auront suffi à placer cette exécution du Premier Concerto pour piano de Brahms à un niveau exceptionnel. À la tête de son futur orchestre, qui répond à la moindre de ses indications, Simon Rattle (photo) y construit patiemment, avec une richesse de nuances, toute la dramaturgie de l'œuvre.
Avec l'entrée du soliste Krystian Zimerman, l'interprétation est portée encore un peu plus près de l'excellence : parfaitement nuancé lui aussi, le jeu du pianiste répond en tout point au travail minutieux de Simon Rattle. L'approche rythmique en particulier impressionne et les notes parfaitement timbrées et articulées créent une tension dramatique manifeste, soulignée par un orchestre capable, à tous les pupitres, des plus merveilleux pianissimos comme de la plus grande énergie.
 
Entièrement consacrée à Dvorak, la deuxième partie du concert fait entendre deux des cinq poèmes symphoniques qu'il a composés vers la fin de sa vie, après le corpus monumental de ses neuf symphonies. Le Pigeon des bois comme Le Rouet d'or, au propos très narratif, n'obéissent à aucune forme particulière mais ils sont pour le compositeur l'occasion d'expérimenter nombre d'effets et de couleurs d'orchestre. Simon Rattle en livre une lecture magistrale, appuyée sur la vertigineuse virtuosité des musiciens londoniens. Ou comment rendre plus que séduisante une musique inessentielle lorsqu'on en tire toute la substance. Pour prendre congé du public, évidemment  conquis, Simon Rattle et le LSO offrent un dernier concentré d'énergie, toujours signé Dvorak, avec la Danse slave op. 72 n° 7 en ut majeur.
 
Jean-Guillaume Lebrun
 
Aix-en-Provence, Grand Théâtre de Provence, 9 juillet 2015.

Photo © DR