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Sinfonia en Périgord fête ses 20 ans - Une interview de David Théodoridès, directeur

Temps fort de l’été pour tous les amateurs de musique baroque, Sinfonia en Périgord fête son 20e anniversaire du 24 au 29 août 2010, à Périgueux et dans ses environs. Un festival « bâti sur le plaisir », qui franchit cette année un cap important comme l’explique son directeur, David Théodoridès.

Comment est né votre festival ?

Sinfonia a été créé par mon père Michel en 1990. Je l’ai accompagné, conseillé pendant dix ans – mais à cette époque ma vie professionnelle était ailleurs –, avant de prendre la direction du Festival en 2000. A partir de cette date je me suis investi dans la restructuration, la refondation de Sinfonia. Toutes les manifestations fonctionnent par cycle et au bout de dix ans il fallait passer à une vitesse supérieure ; installer beaucoup plus la manifestation, pour développer l’événement et lui permettre de dépasser le cadre local et régional afin de rayonner à l’échelon national.

En quoi a consisté cette refondation ?

Nous sommes en Dordogne, elle a ses atouts et des inconvénients : un pays extraordinaire avec un vraie patrimoine, la gastronomie, une très belle image en France et à l’étranger, mais en même temps un pays où il faut venir (pas de TGV, le réseau autoroutier est tout récent), c’est le premier constat. Le second est qu’il s’agit de musique ancienne, de musique baroque. Si nous avons beaucoup tatonné au départ – nous partions du XVIe pour aller quasiment jusqu’au XIXe siècle –, j’ai souhaité me recentrer sur le répertoire baroque (1600-1750) car je trouvais qu’il y avait un vrai intérêt à se spécialiser, tout en restant très éclectique dans les choix des œuvres – je n’avais aucune envie d’un festival de musique sacrée baroque, de danse baroque, etc. L’alliance de la Dordogne et de la musique baroque c’est finalement bâtir un festival sur le plaisir. Le plaisir d’un mélomane qui n’a pas envie d’écouter toujours la même chose et trouve une diversité, à la fois dans le patrimoine et dans la musique. C’est ce qui nous a conduits à passer de l’automne (moment auquel se déroulait le festival entre 1990 et 2000) au mois d’août ; une période où nous attirons à la fois les touristes et les populations périgourdines qui sont de retour. En dix ans nous avons plus que doublé notre fréquentation. Cette année, un nouveau cycle arrive. Nous fonctionnions jusqu’ici sur dix jours et il m’a paru important de resserrer sur six jours – car les séjours touristiques sont de plus en plus courts – ; d’offrir un festival plus concentré qui permet au mélomane de repartir rassasié.

Un festival plus concentré dans le temps, et plus intégré aussi dans la vie culturelle de Périgueux ?

D.T. : En effet, l’association qui présidait aux destinées de Sinfonia est en train de se dissoudre au bénéfice d’une structure dénommée CLAP (Culture, Loisirs, Animations à Périgueux). Celle-ci a pour objectif d’organiser, de coordonner, de gérer un certains nombre d’événements culturels sur la ville, parmi lesquels le Salon International du Livre Gourmand, un événement important qui se déroule en novembre – la littérature gourmande fait partie de l’histoire de la Dordogne -, ou un événement d’art contemporain que nous allons lancer l’été prochain. Cette structure est parfaitement adaptée à mon avis pour porter des événements forts tels que Sinfonia. La ville de Périgueux, en créant cette structure, en faisant appel à moi et en intégrant Sinfonia nous permet de franchir un cap.

Comment avez-vous conçu la programmation de la 20e édition de Sinfonia ?

D.T : Pas de thème, nous célébrons un anniversaire et offrons une profusion d’œuvres. Les concerts de l’après-midi sont réservés à de petites formations. Elles ne sont toutefois en rien « petites » du point de vue qualitatif car nous recevons Gli Incogniti, Barcarole avec Agnès Mellon et Dominique Visse, la Camera delle lacrime, mais aussi la claveciniste Céline Frisch. Les soirées sont réservées à des concerts événements, par exemple les Vêpres de Monteverdi par La Fenice et Jean Tubéry.
Il y a deux façons de fêter un anniversaire : regarder en arrière et réinviter tous les amis que l’on a reçus pendant vingt ans ou projeter la manifestation sur les dix prochaines années. C’est l’option que j’ai choisie en renouvelant la forme, en proposant ces grands événements que seront les Vêpres, mais aussi la Messe en si par la Collegium Vocale 1704, un ensemble qui n’est jamais venu à Périgueux, ni en Aquitaine, le « Faste des Cathédrales » avec le Concert spirituel d’Hervé Niquet, dont j’apprécie beaucoup le travail sur la musique française, ou encore une grande première ; notre premier vrai opéra à Périgueux : Le Couronnement de Poppée, qui est peut-être même la symbolique de cette édition. Il s’agit du dernier opéra de Monteverdi, certains disent attribué à Monteverdi, une partition qui peut-être plus qu’Orfeo ouvre sur l’avenir. C’est une belle image pour les vingt ans du festival et l’ouvrage sera interprété par La Venexiana, un ensemble que j’adore, avec la voix extraordinaire de Roberta Mameli en Nerone.

Des concerts estampillés «Sinfonia» ont-ils lieu en dehors de la période du festival ?

D.T. : Du temps de l’association Sinfonia nous avions déjà une saison très éclectique et nullement limitée au baroque : nous avons reçu Claire Désert, Jordi Savall, Sonia Wieder-Atherton, Anne Gastinel ou Jean-Efflam Bavouzet. C’est une chose que je souhaite poursuivre. Nous avons une particularité en Dordogne comme dans beaucoup de régions rurales : la musique occupe une faible part de la programmation saisonnière. L’été il y a profusion et, une fois le mois d’août passé, il n’y a pratiquement plus de musique pendant neuf mois. Nous avons le désir de combler ce manque. Nous faisons une petite pause le temps de mettre la structure CLAP en place mais, dès janvier 2011, les concerts recommencent (avec les Moraguès, Jean-Efflam Bavouzet, etc.) systématiquement couplés avec une action pédagogique en milieu scolaire ou en direction des jeunes musiciens périgourdins.
Chose toute nouvelle dans le cadre de CLAP, un chœur-école est né. Il a pour vocation de rassembler autour de la personnalité de Michel Laplénie, chef de chœur reconnu, des amateurs venus de tout le département pour travailler un répertoire donné. L’objectif est de faire le concert d’ouverture du festival et ensuite une mini-tournée dans le département dans le cadre des conventions cantonales, mais avec un travail structuré sur toute l’année. Donc là aussi utiliser l’outil Sinfonia pour qu’il y ait une vraie rencontre entre la pratique amateur et la pratique professionnelle.
Si Sinfonia est intégré dans la vie culturelle municipale, il faut noter qu’il conserve les caractéristiques qui ont fait sa force. Nous ne sommes pas qu’un festival de Périgueux et nous rayonnons aussi autour, et pas seulement dans l’agglomération ; à Brantôme ou Bourdeilles par exemple. Périgueux est la ville la plus importante du département mais elle ne doit pas seulement servir de point de rencontre à tous les Périgourdins qui viennent écouter la musique, elle doit aussi être une tête de pont en direction des différents territoires pour y faire pénétrer la musique et la culture musicale.
Cette action continue, et il est important de s’appuyer sur le Conservatoire à Rayonnement Départemental qui joue un rôle essentiel dans la pratique musicale quotidienne. J’y tiens particulièrement ; c’est un aspect qu’on ne peut négliger, sinon les publics disparaîtront tôt ou tard des concerts.

Propos recueillis par Alain Cochard, le 25 juin 2010

Festival Sinfonia en Périgord
Du 24 au 29 août 2010
Infos : 05 53 08 69 81 / www.sinfonia-en-perigord.com

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Photo : DR
 

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