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Sir Simon Rattle et Pierre-Laurent Aimard au TCE - Concert expérimental - Compte-rendu

Premières mesures du Concerto pour la main gauche : le contre-basson éructe derrière les contrebasses. On avait déjà entendu cela quelque part, mais quand pour la dernière fois ? – Cluytens et la Société des Concerts du Conservatoire, au disque bien entendu – mais en plus tenu, avec un style, un art, un jeu naturel, allant de soi. Pour l’orchestre de Ravel, et en particulier celui, tardif, grinçant, du Concerto pour la main gauche, l’idéal sonore s’est perdu, on le sait bien, et l’on s’amusait hier de voir The Orchestra of the Age of Enlightenment essayer de réinventer les timbres et les équilibres d’une formation parisienne des années trente.

Entreprise louable, qui se réalise plus pleinement à mesure que le répertoire recule dans le temps : la souplesse des cordes montées avec un peu moins de tension, les couleurs des bois, font merveille dans la musique de scène écrite par Gabriel Fauré pour le Pelléas et Mélisande de Maeterlinck que Simon Rattle dirige avec des raffinements révélateurs et pourtant jamais ostentatoires,  une nouvelle occasion de rager devant ce disque Fauré qu’il n’a toujours pas enregistré, et de pleurer qu’EMI n’ait pas édité en cd son mémorable Pelléas et Mélisande, cette fois celui de Debussy.

Debussy justement fut la grande affaire du concert. Pierre-Laurent Aimard, excellent dans la Main gauche, ouvrit le bal avec, en bis, un très senti « Des pas sur la neige », se débrouillant comme dans le Ravel d’un Erard des années trente plus rétif qu’inspirant. Mais après l’entracte, entendre les diaprures du Prélude à l’après midi d’un faune aussi enveloppantes, entendre surtout La Mer ébrouer son univers fauviste avec une telle sensualité, un tel vertige, l’équilibre vous manquait. Magnifique, envoûtant, d’autant que Rattle force cet orchestre aventureux mais aussi fragile dans ses retranchements, quel plaisir sans partage ! Debussy écrivait dangereux, on le sentait à nouveau. Soirée excitante, électrique, qui nous rappelait que le patron des Berliner Philharmoniker n’a jamais cessé de se remettre en question et d’interroger les œuvres.

Jean-Charles Hoffelé

Paris, Théâtre des Champs-Elysées , 4 juin 2012

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Photo : Thomas Rabsch
 

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