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Sonya Yoncheva interprète Lucia di Lammermoor - Lucia révélée - Compte-rendu
François Lesueur vous a tout dit de cette reprise du spectacle sans grâce d’Andrei Serban, Lucia dans un gymnase caserne dont la déchéance est observée par des bourgeois rangés comme dans un amphithéâtre d’anatomie. Il avait succombé aux charmes prévisibles de Patrizia Ciofi, belcantiste consommée, qui retrouvait Lucia après six années d’absence. Hier, dans la douceur de pré-mousson de ce dimanche après-midi, on retournait voir cette régie pour Sonya Yoncheva, dont tout Paris bruissait. Cette brune alerte au regard de velours, 31 ans et l’air d’en avoir 20, a conquis Paris lorsque Marc Minkowski lui a demandé de se substituer à Nathalie Dessay pour les trois rôles féminins des Contes d’Hoffmann. Jusque là cette artiste, issue du Jardins des Voix des Arts florissants, avait parcouru essentiellement le répertoire baroque, avec dès 2011 une splendide Cléopâtre, puis à Lille pour Emmanuelle Haïm une Poppée qui en avait fait délirer plus d’un. Oui mais Lucia ? Sa tessiture impossible, son art du belcanto poussé jusqu’à l’absolu, son personnage blessé, cette Folie qu’on approche toujours avec terreur même en étant simplement spectateur ? Eh bien, pour nous, Lucia c’est elle désormais.
On n’avait pas entendu une telle science du belcanto depuis au moins Mariella Devia, mais avec en plus un timbre profond, des aigus moirés et alertes, et dans la voix toute l’émotion des mots. Car même dans les vocalises les plus périlleuses, le mot règne, l’émotion se dispense et vous saisit. Cela nous rappelle une certaine Virginia Zeani. Secret absolu de cet art, sa faculté à porter le plus infime pianissimo jusqu’au dernier rang du dernier balcon de Bastille. Cette voix est si bien placée, son émission si naturelle, son corps harmonique si sain qu’elle pourra se confronter à tout le belcanto, de Haendel à Verdi. La pureté du style elle-même émouvait. Et l’actrice se tire très bien d’une mise en scène inutilement dangereuse. Tout Bastille debout en ovation soutenue après la Folie, et nous avec. On avait le sentiment d’assister à la naissance d’un monstre sacré. Si vous ne l’avez pas déjà entendue, courrez vous brûler à cette Lucia.
Autre révélation, l’Edgardo de Michael Fabiano : ligne, éloquence, souffle infini, beauté naturelle de la voix avec ce mélange subtil et si élégant de métal et de soie, et un art époustouflant de la caractérisation, le tout sans une once de ce narcissisme qui nous gâche parfois le chant de Vittorio Grigolo. Et pourtant, au physique, la grande stature athlétique et le beau visage de ce jeune ténor l’y autoriseraient. Matinée bénie des Dieux !
Jean-Charles Hoffelé
Donizetti : Lucia di Lammermoor – Paris, Opéra Bastille, 29 septembre (prochaines représentations avec Sonya Yoncheva et Michael Fabiano les 4 et 9 octobre 2013) www.operadeparis.fr
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Photo : DR
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