Journal
Strasbourg - Compte-rendu - Le couronnement de Rinaldo Alessandrini.
Co-produit par le Théâtre des Champs Elysées, La Monnaie de Bruxelles et la Deutsche Oper de Berlin, Le Couronnement de Poppée de MacVicar pose ses valises à l’Opéra National du Rhin. Rinaldo Alessandrini choisit la version napolitaine et opte pour l’accompagnement du basso continuo uniquement s’il est noté, de même pour le choix des instruments, ainsi que quatre parties pour les ritournelles, ce qui donne une fluidité au discours musical, et permet une articulation du texte fort bien venue.
Autre changement d’importance, Néron est distribué à un ténor. Pour cela il s’appuie sur le texte musical et les ouvrages antérieurs du maître italien : Orphée est un ténor, de même Ulysse. Le duo Lucain/Néron est prévu pour deux ténors, celui-ci reprend les éléments stylistiques des duos pour ténors des septièmes et huitièmes Livres de Madrigaux. De fait cette option influe sur les comportements amoureux de Néron/Poppée, d’autant que les deux interprètes sont mari et femme à la ville. Cela permet à MacVicar de pousser au paroxysme la gestuelle amoureuse des deux amants.
Le Ténor Jeremy Ovenden/Néron et la soprano Miah Persson/Poppée forment un couple d’une rare efficacité, lui, enfant gâté à la limite de la névrose, avec une voix fluide et fort bien conduite, elle, mante religieuse à la fois amoureuse sincère, avec un brin de perversité pour arriver à ses fins. La voix est ample et généreuse. Cette convaincante Poppée est secondée par l’époustouflante Arnalta de Jean-Paul Fouchécourt qui se coule à merveille dans les oripeaux de la nourrice. Son entrée au premier acte soulève les rires de la salle (peignoir rose débraillé, mules assorties, bigoudis et fichu, cigarette au coin des lèvres) mais surtout véritable Zaza Napoli à la fin (magnifique fourreau de star, diadème scintillant de tous ses feux et bagues à tous les doigts) il en devient la caricature de Poppée. La voix n’a rien perdu de son charme et le jeu est irrésistible : un triomphe aux rappels.
L’Octavie de Francesca Provisionnato est impressionnante et fait ressortir à merveille les tourments de cette impératrice déchue. Le couple Othon/Drussilla s’harmonise admirablement, tant vocalement que physiquement. Le haute-contre Stephen Wallace, que l’on avait pu admirer In loco dans Théodora, n’a rien perdu de son charme et de sa prestance, voix puissante, égale sur toute la tessiture avec une uniformité des registres à en faire pâlir plus d’un. Cristina Zavalloni/Drusilla, le seconde admirablement avec une voix fruitée conduite sur un souffle inépuisable. Quelle force de conviction dans sa confrontation avec Néron au troisième acte !
Le Sénèque d’Andréa Concetti illustre admirablement la conception de MacVicar. La voix est souple avec un creux suffisant. Quelle sublime scène de mort, détachée de tout ! Le reste de la distribution est à la hauteur de ce superbe spectacle avec une mention spéciale pour le Valetto d’Annie Gill. Le continuo formé des membres du Concerto Italiano est disert et varie superbement les différents affects de la partition, secondé en cela par quelques musiciens du Philarmonique de Mulhouse.
Une grande version du Couronnement, que viendrait admirablement illustrer un DVD.
Bernard Niedda
Strasbourg le 4 mai 05. Autres représentations Strasbourg les10/11/13 mai. Colmar les 20/22 mai. Mulhouse les 27/29 mai.
Photo: DR
Derniers articles
-
21 Décembre 2024Jacqueline THUILLEUX
-
19 Décembre 2024Jacqueline THUILLEUX
-
17 Décembre 2024Alain COCHARD