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Sweeney Todd au Châtelet - Sans-faute pour un chef-d’œuvre du musical - Compte-rendu
Après A Little Night Music la saison dernière, on guettait avec impatience la création française de Sweeney Todd. Dire que la production signée Lee Blakeley que l’on découvre sur la scène du Châtelet comble toutes les attentes relève de l’euphémisme. Dépêchez-vous de goûter à ce spectacle car, avec le succès qu’il remporte déjà et l’enthousiaste bouche-à-oreille dont il bénéficie, les représentations à venir (jusqu’au 21 mai) promettent d’être de plus en plus convoitées.
Pain béni il faut l’avouer pour tout véritable musicien de théâtre que le livret tiré par Hugh Wheeler de la pièce de Christopher Bond : un mélange de comique et de macabre, de saignant et de miséreux, avec pour centre de gravité le formidable désir de vengeance du diabolique barbier revenu des quinze années de bagne auxquels le juge Turpin l’avait injustement condamné. Pain béni dont le génial Stephen Sondheim a tiré une partition qui transcende les frontières du musical. Unité, fluidité, extraordinaire relief, sens des atmosphères caractérisent un ouvrage où le compositeur américain rend hommage à l’un des plus grands auteurs de musiques de films de l’histoire du cinéma : Bernard Hermann. Un ouvrage que beaucoup d’auteurs lyriques contemporains pourraient méditer aussi…
« Où ranger Sweeney, interroge Sondheim en conclusion d’un des textes inclus dans le programme – comme toujours vrai modèle du genre au Châtelet. «Opérette noire » : voilà ce qui me paraît le plus juste, mais ce terme est aussi impropre que les autres. En réalité, Sweeney Todd et un film destiné à la scène. » « Black gothic comedy », dit pour sa part Lee Blakeley. Son travail exemplaire d’intelligence se situe dans un superbe décor unique de Tanya McCallin (également auteur des costumes, non moins réussis) dont les lumières de Rick Fischer exploitent toutes les potentialités, avec des actions parallèles, des transitions d’une instantanéité toute cinématographique. ‘Un film destiné à la scène’, c’est bien cela. Pas une seconde de temps mort : Blakeley joue efficacement avec la sanglante fable, sans jamais verser dans l’outrance – pas le genre à coiffer ses héros d’une passoire… -, et la dépasse par la richesse des arrière-plans, les non-dit de sa conception. Puissantes, les images que l’on retient de son Sweeney Todd vous poursuivent, longtemps après avoir quitté la salle…
Bien aidé par une irréprochable distribution, le metteur en scène dessine tous les personnages avec une saisissante netteté. Par l’importance de leurs rôles, l’ambigu Rod Gilfry (Sweeney) et l’épatante Caroline O’Connor (Mrs. Lovett) – d’autant plus remarquable qu’elle a tardivement remplacé Deanne Meek, initialement prévue - tirent leur épingle du jeu au moment de l’ovation finale, mais le Turpin de Jonathan Best, le savoureux Pirelli de David Curry, la belle Johanna de Rebecca Bottone, le Anthony Hope de Nicholas Garret, le touchant Toby de Pascal Charbonneau, le Fogg de Damian Thantrey, le Bamford de John Graham-Hall et l’étonnante mendiante de Rebecca de Pont Davies font tous merveille. Et n’oublions pas le Chœur du Châtelet, impeccablement préparé par Stephen Betteridge.
A la tête de l’Ensemble Orchestral de Paris, David Charles Abell porte l’ouvrage avec un mélange d’énergie et de finesse et une constante aptitude à faire corps avec la mobilité d’atmosphère d’une très grande partition. En bref, un sans-faute pour la création française de Sweeney Todd. N’hésitez surtout pas, une mémorable soirée vous attend !
Alain Cochard
S. Sondheim : Sweeney Todd – Paris, Théâtre du Châtelet, 30 avril 2011, prochaines représentations les 2, 3, 4, 5, 6, 7, 11, 12, 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 21 mai 2011.
www.chatelet-theatre.com
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Photo : Marie-Noëlle Robert
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