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Tannhäuser à l’Opéra Bastille - Quand Nina Stemme paraît - Compte-rendu
En 2007, ce Tannhäuser conçu avec soin par Robert Carsen avait été un succès, malgré plusieurs soirées données sur le plateau nu, avec de simples lumières de service, en raison d'un mouvement social. Seiji Ozawa avait empoigné la partition avec vigueur, Stefan Gould, Eva-Maria Westbroeck et Béatrice Uria-Monzon offrant de très beaux portraits vocaux.
Pour faire de cette reprise un événement, Nicolas Joel a fait appel à la soprano wagnérienne du moment, la Suédoise Nina Stemme, que les Parisiens n'avaient pu entendre jusque là qu'en récital à Pleyel, en 2007. Dire que sa présence était attendue est un euphémisme. Après un premier acte interminable, privé d'énergie, de sensualité et d'effluves méphitiques (un comble pour une Bacchanale censée mettre le feu aux poudres!), l'arrivée d'Elisabeth au second acte parmi les spectateurs du parterre, avec un magistral « Dich teure Halle », a immédiatement transformé le cours de la représentation.
Volumineuse, sans recourir à la force, la voix ample et sculpturale de Stemme, a envahi l'espace en écrasant le public. Riche, étoffé, posé sur le souffle, puissant du grave à l'aigu, capable de mezza voce, cet organe épicé et discipliné confère à Elisabeth une carrure et une sérénité étonnantes, que renforce une présence scénique à la fois mobile et très intense.
Subtile, expressive et d'une touchante noblesse, l’interprète sait tirer partie de ce personnage trop facilement résigné, sa réapparition en figure rédemptrice, double de Vénus posant à ses côtés pour Tannhäuser, peintre enfin autorisé à accrocher sa toiles aux cimaises d'un musée, prenant au finale tout son sens.
Instable de ligne et dépassé par la tessiture, la voix de Christopher Ventris a d'abord fait craindre le pire, avant de se rétablir au second acte et de retrouver une certaine assise au troisième, lors du Récit de Rome : Peter Seiffert entendu au Châtelet en 2004 reste à ce jour sans rival. Quelques mois après sa très belle Waltraute(1), Sophie Koch a laissé perplexe en Vénus : fatigue passagère ou pression de la première, la cantatrice toujours belle en scène, a semblé chercher son timbre, tirant sur ses aigus et perdant ses graves, sans trouver la clé d'un rôle hybride qui demande tout, tout de suite et auquel Béatrice Uria-Monzon avait donné plus de relief.
Pour son premier Wolfram, Stéphane Degout s'est imposé avec le plus grand naturel, sa voix assurée et sa parfaite intonation ajoutant à sa composition faussement fragile qui contrastait avec celle de Christof Fischesser (Hermann), tout en robuste élégance. Belles prestations de Tomasz Konieczny (Biterolf) et de Wojtek Smilek (Reinmar), entourés de Stanislas de Barbeyrac (Walther) et de Eric Huchet (Heinrich), chœurs magnifiques, direction plate hélas de Sir Mark Elder, incapable d’instiller au discours wagnérien souffle, dynamique et concentration.
François Lesueur
(1) Götterdämmerung en juin 2011
Wagner : Tannhäuser – Paris – Opéra Bastille, le 6 octobre, puis les 9, 12, 17, 20, 23 et 26 et 29 octobre 2011
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Photo : Opéra national de Paris/ Elisa Haberer
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