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Tarmo Peltokoski au Festival de Verbier – Au sommet – Compte-rendu

 

Comme toujours, fastueuse corne d’abondance que celle composée par le Festival de Verbier, lequel pour sa 31e édition s’est adjoint Hervé Boissière comme co-directeur général, aux côtés du fondateur Martin Engstroem : tandis qu’on s’amuse à voir processionner gaiement une foule de jeunes musiciens venus prendre ici une leçon d’enthousiasme et de rigueur, l’affiche regorge de stars reconnues et de talents en devenir, en une innombrable série de manifestations s’adressant au public sous toutes ses formes, des élégants fidèles qui ascensionnent le lieu aux enfants qui découvrent. Académie, masterclasses et multiples animations encadrent les concerts magistraux, que coiffent quelques baguettes illustres : de Simon Rattle, qui a ouvert le Festival sur la 3Symphonie de Mahler, à Charles Dutoit pour l’achever sur le Boléro de Ravel, en passant par Antonio Pappano, Klaus Mäkelä et Gabor Takács-Nagy, qui fait travailler le Verbier Festival Chamber Orchestra Et pluie de virtuoses du piano, du tout jeune Géorgien Tsotne Zedginidze à Kissin, Lugansky, Kantorow, Fujita, Liu ou Fray
 

© LaureN Pasche

Certes, on n’a pas tout vu, ni tout entendu de ce festin musical mais la pioche fut bonne, et même exceptionnelle : car voir Tarmo Peltokoski, dont le monde musical bruit des nominations et des exploits qu’il accumule, confirmer à ce point le juste poids d’une renommée qui parfois fait la part trop belle aux jeunes prodiges fut une éblouissante découverte. Traçant sa trajectoire de Lettonie à Rotterdam et Brême, où il exerce ses fonctions, en piste à la rentrée au Capitole de Toulouse, et en 2026 à Hong Kong, le Finlandais (né en 2000) est une étoile, dont on découvre, sidéré, la stupéfiante mémoire, l’infinie quête de sens, la fascinante gestique qui plane ou secoue l’orchestre comme un vent frémissant ou tourbillonnant, maintenant les excès et les sons débordants avec une main gauche flottant sur l’onde musicale. Félin, aux aguets, mais non agresseur, défaut si commun à nombre de ses contemporains en piste à ce jour.

Et personne n’est prêt d’oublier, bien qu’il n’ait dirigé cet orchestre occasionnel qu’en peu de répétitions, le velouté, le scintillement, la brume enchanteresse avec laquelle il a rendu les finesses rythmiques, colorées, mélodiques de Ma mère L’Oye de Ravel. Un délicieux rappel de l’imaginaire enfantin, cruel ou enchanté. On a rêvé, puis été saisi d’une légère angoisse ou sautillé avec les évocations cristallines des Pagodes, et fini plongé dans le monde irisé du Jardin féerique. L’orchestre suivait, comme il pouvait, tant les indications du chef dénotaient de multiples intentions délicates, nuancées : un vrai travail d’orfèvre, qui a culminé sur la 39e Symphonie de Mozart, dont la richesse d’écriture faisait miroiter le beau sonnant des instruments de l’Orchestre de Verbier, à l’évidence conquis. Et bien que le public ait tendance à toujours applaudir trop vite, le chef a su, de ses bras étendus comme des ailes, contenir ces ardeurs sympathiques mais qui brisent le souvenir des notes, si aptes à s’enfuir.
 

Lucas Debargue © Lucien Grandjean
 
Entre deux, du solide, du robuste, du virtuose dans le sens le plus basique du terme, bien que Lucas Debargue soit réputé pianiste intellectuel : sa vision sophistiquée, alambiquée, accrocheuse ou languide de Rhapsody in blue de Gershwin contrastant avec la solide lecture du chef, lequel d’ailleurs, savait se plier aux sursauts stylistiques du soliste, en bon accompagnateur. Le délice de cette pièce si populaire demeurant dans les appels brisés, miaulés des cuivres, ici remarquables. Puis Debargue s’est lancé en bis, dans une Toccata débridée de sa composition, ou passait l’ombre d’un Prokofiev qui jouerait sur un transatlantique. On n’a pas boudé son plaisir, car l’éclat était là, avec un charme tapageur, mais on est surtout reparti avec l’idée que dans ces Olympiades alpines, il y avait bien un gagnant, le Finlandais Tarmo Peltokoski. On en redemande, vite ...
 
Jacqueline Thuilleux
 

Verbier Festival, Salle des Combins, 25 juillet 2024 ; jusqu’au 4 août 2024 // www.verbierfestival.com/programme/?

Photo © LaureN Pasche

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