Teodor Currentzis (photo) est de ces personnalités musicales par qui tout arrive. Et souvent le plus surprenant, mais toujours convaincant. Il en est ainsi du concert dans le cadre du Septembre Musical de Montreux, mais présenté dans la salle Del Castillo de la bourgade voisine de Vevey, avec un programme double particulièrement inusité : une première partie de concert réunissant des pages religieuses pour chœur a cappella, allant du Moyen Âge jusqu’à notre époque, pour introduire en seconde partie le Requiem de Mozart. À des pièces peu fréquentes de Hildegard von Bingen, Ligeti, Schnittke, Stravinsky, Purcell, Taneïev (l’ami de Tchaïkovsky, 1856-1915), répond donc dans une égale spiritualité le tout dernier Mozart.

Au sein d’une quasi-pénombre éclairée de rares bougies puis achevée dans la totale obscurité, les brèves pages a cappella se succèdent dans un climat de mysticisme porté par les voix diaphanes et profondes du Chœur de l’Opéra de Perm (surtout du côté des pupitres masculins). Le Requiem, dans la version complétée par Süssmayer, prend à la suite un aspect plus théâtral, scandé, avec l’appoint des instrumentistes de MusicAeterna et de ceux de l’orchestre de l’Opéra de Perm. Le quatuor des solistes vocaux excelle, avec la soprano Julia Lezhneva, le ténor Thomas Cooley, la basse Tareq Nazmi et la mezzo Catriona Morison (cette dernière un peu en retrait). Étrangement, la direction de Currentzis se fait alors vive, pour le meilleur d’une même et intense ferveur. Parmi un silence sépulcral du public, un bis parachève les sortilèges de la soirée avec le chœur "Immortal Bach", arrangé de Bach par Knut Nystedt (1915-2014) dans des dissonances immatérielles, ponctuation évanescente de ce moment de mystère hors du temps.
 
Pierre-René Serna

Vevey, Salle Del Castillo, Septembre Musical de Montreux, 28 août 2017

Photo Teodor Currentzis © Anton Zavyalov