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Tosca selon Pierre Audi à l’Opéra Bastille - Non Tosca tu ne sauteras pas ! – Compte-rendu
Après dix-huit ans de bons et loyaux services, l'antique production de Werner Schröter vient donc de laisser la place à celle de Pierre Audi. La Bastille frétillait d’aise vendredi dernier à l'idée de découvrir la nouvelle lecture du directeur artistique de l'Opéra national d'Amsterdam et de ses acolytes Christof Hetzer (décors), Jean Kalman (lumières) et Robby Duiveman (costumes). Hélas nous avons vite déchanté devant un spectacle archi conventionnel dont la seule d'idée est de ne pas faire mourir l'héroïne comme le prévoit le livret.
Le drame se noue donc dans ce qu'il est convenu d'appeler une église dont l'espace est entièrement occupé par une croix colossale couchée, sur laquelle solistes ou figurants peuvent accéder par un escalier. Le révolutionnaire Cavaradossi y peint une toile au sujet tendancieux (inspirée des « Oréades » de Bouguereau) qui fait de lui un suspect idéal aux yeux du chef de la police romaine. Au second acte nous voici dans le salon surchargé où Scarpia réunit Tosca, diva célèbre et jalouse, maîtresse de Cavaradossi, lui-même conduit en ces lieux pour y subir un interrogatoire musclé. Une fois son meurtre accompli, Tosca s'empare d'un pistolet et s'enfuit par la grande porte attirée comme un coléoptère par une lumière lointaine (attention indice!), la croix géante qui se trouvait au-dessus du salon s'élevant tout à coup dans les airs ...
Au 3, fini le château Saint-Ange, nous sommes loin de Rome dans un camp de soldats au point du jour. Cavaradossi demande à écrire un mot qu'il jette aussitôt avant que ne surgisse sa libératrice, robe rouge et cape grise - aussitôt posée dans un coin comme si elle s'apprêtait à prendre le thé. Que va faire Tosca puisqu’elle ne pourra pas se jeter dans le vide pour éviter que les sbires de Scarpia ne l'étripe ? Mais rien ! Appelée à nouveau par la lumière (céleste ?), elle s'avance vers le lointain après avoir invectivé Scarpia et qu'un rideau de tulle ne soit tombé des cintres. Rideau ! L'opéra permet beaucoup de choses, encore faut-il que l'imagination du metteur en scène soit suffisamment débordante pour que nous puissions accepter de nouvelles propositions. Rien de tel ici, juste une coquetterie, un petit plaisir solitaire que s'octroie un « artiste » paresseux.
L’exécution musicale aurait pu nous faire oublier ce désastre, mais la direction empesée de Daniel Oren, sans nerf, sans rythme, étire la partition au point de la rendre interminable : où sont le théâtre, l’adrénaline, la montée d'angoisse et de désir ? A aucun moment dans cette fosse gagnée par l'ennui.
Plutôt élégante, Martina Serafin est bien trop terne scéniquement et bien trop sage vocalement pour apporter à Tosca toute la démesure et la violence que son tempérament volcanique appelle. Marcelo Alvarez s'en tire plutôt mieux avec un Mario au timbre soigné et encore solaire, malgré un jeu limité. Attendu avec intérêt, le premier Scarpia de Ludovic Tézier n'a pas tenu ses promesses. Annoncé malade, il aurait pu compenser ses problèmes de voix par une prestation habitée, or dans l’incapacité de noircir sa ligne de chant, de durcir son articulation et de violenter son expression, il passe à côté du personnage : ni odieux, ni bestial, ni même dangereux, il n'est au final qu'un notable de province qui veut ajouter une belle à son tableau de chasse. Pour savoir s'il est apte à incarner Scarpia, il faudra revenir.
Paris méritait mieux et l'on regrette que la Bastille ne soit pas associée à la production de Luc Bondy (vue à Munich, Milan et New York) qui sans révolutionner le propos a le mérite de fonctionner d'un point de vue dramatique.
Notez cependant que cette nouvelle Tosca est proposée dans trois distributions différentes jusqu’au 28 novembre.
François Lesueur
Puccini : Tosca – Paris, Opéra Bastille, 10 octobre 2014. Jusqu’au 28 novembre 2014.
www.concertclassic.com/concert/tosca-de-puccini-bastille
Photo © Charles Duprat / Opéra national de Paris
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