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Toulouse - Compte-rendu : Vive Wolf-Ferrari !
On ne voit quasiment jamais les opéras de Wolf-Ferrari sur les scènes françaises, et jusque là seul René Koering, avec son goût du répertoire rare, avait donné sa chance à La Vedova Scaltra, accueillie à Montpellier et reprise à Nice. C’est I Quatro Rusteghi, seconde adaptation par le compositeur d’une pièce de Goldoni, que le Capitole de Toulouse dévoile. Tout comme La Vedova scaltra, on s’y trouve dans une Venise de Carnaval – ici discrètement marquée par la présence d’une troupe de Commedia dell’arte qui assure les changements de plateau – pris dans une peinture de caractère comme les affectionnait l’auteur – pour l’heure quatre barbons tyrans domestiques qui vont se faire tourner en ridicule par leurs épouses – le tout autour d’un mariage à peine contrarié.
La musique de Wolf-Ferrari et celle du texte de Goldoni sont inséparables, l’ouvrage délicieux ne laisse pas de place pour flatter les chanteurs à force d’airs : ici tout file dans l’action et porte de somptueux ensembles, virtuoses et cernés par des dentelles d’orchestre incroyables de complexité rythmique. Le finale du II, avec son dixtuor hors d’haleine est une des plus brillantes pages de l’opéra italien du XXe siècle. La troupe réunie par Nicolas Joël, menée grand train par Roberto Scandiuzzi qui évite de trop charger son Lunardo, offre des silhouettes percutantes : on avait perdu de vue Daniela Mazzucato, et son retour en belle voix pour une Felice manipulatrice et doucement autoritaire est un régal. Coté barbon, Carlos Chausson campe un formidable Simon, idéalement veule et pompeux ; la paire de ténor (Filipeto, le futur marié, et le Comte Arcolaï, caractère ombrageux) est parfaite de brio et d’humour – le premier un peu benêt, très finement campé par Luigi Petroni, le second idéal d’emportement contenu mené avec grande allure par le fort instrument de Francesco Piccoli qui fut au disque une très beau Beppe.
Mais ce sont les femmes qui gagnent la partie et font le spectacle plus que les hommes : la Margarita de Marta Moretto à quelque chose de Cloe Elmo dans le timbre, on rêve de l’entendre en Mrs Meg Page, Chiara Angella campe une Marina hors de toute caricature, quant à la Lucieta de Diletta Rizzo-Marin (à la ville la fille de Roberto Scandiuzzi), elle est fraîche et délicieusement gamine. Daniele Caligari avait réussi son délicat pari : faire oublier l’orchestre de La Dame de Pique aux musiciens toulousains pour les immerger totalement dans la musique si complexe de Wolf-Ferrari : au-delà de la lettre, ils en ont restitué l’esprit, tout comme le beau spectacle de Grischa Asagaroff rendait toute la poésie vénitienne de cette étourdissante comédie.
Toulouse nous doit maintenant d’autres Wolf-Ferrari : Il Campiello, Le Done curiose, Gli amanti sposi (encore trois livrets d’après Goldoni), Sly (d’après Shakespeare), les somptueux Gioielli della Madonna méritent de trouver enfin en France les chemins de la scène.
Jean-Charles Hoffelé
Ermanno Wolf-Ferrari, I Quatro Rusteghi (Les Rustres), Toulouse, Théâtre du Capitole, le 29 février, puis les 2, 4, 7 et 9 mars 2008.
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Photo : Patrice Nin
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