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Toulouse - EN V.O. Reprise du Boris Godounov selon Nicolas Joël
Visiblement éprouvé par la série de représentations qui s’achevait ce dimanche, Julian Konstantinov, dont le médium défaillait, a du moins campé un Boris d’une sobriété salvatrice, évitant toute emphase comme tout histrionisme. Nicolas Joël ne le fait-il pas si justement émerger du peuple lors de son couronnement figuré par ce costume posé sur un mannequin, lui-même juché sur un praticable en hauteur ?
Car Joël a compris que Boris n’était qu’un pantin manipulé, un homme profondément bon poussé à l’infanticide du Tsarévitch par les intérêts des boyards, et que seule sa culpabilité détruit à petit feu. Chouiski manipule dans cette mise en abîme du drame de Pouchkine « son » Tsar, sa créature. Le profil aigu que lui donne Philippe Langridge renversait toute la dramaturgie classique de Boris Godounov, et il fallait bien un acteur aussi fabuleux que le ténor anglais pour tenir un tel pari : si il vient de fêter en décembre dernier ses soixante cinq ans, il ne les avoue pas, ni vocalement ni physiquement. Dans ce renversement des rôles, Chouiski devenant le maître du jeu, la scène de la rencontre entre Boris et l’Innocent (Léonard Pezzino, qui en remontrerait à Ivan Kozlovski lui-même) prenait tout son sens.
Mais la révélation de cette reprise fut le Pimène d’Alexander Anissimov. Voix de bronze, cette immense basse russe (au propre comme au figuré, il dépasse même d’une bonne tête Konstantinov qui jusque là passait pour un géant) campe un moine d’une humanité bouleversante, en même temps que d’une autorité immanente. On rêve de son Dosifei, il faut que Toulouse lui offre d’urgence une Khovanshchina. La scène de l’auberge montrait un quatuor parfait, le faux Dimitri (Grigori) au timbre héroïque de Viktor Afanasenko, contrastant à la perfection avec le trio comique formé par Varlaam (succulent Dmitry Ulyanov), Missaïl (Christer Blandin, quel ressort, quelle santé !) et l’Aubergiste sans vulgarité d’Irina Gelakhova.
L’entourage du Tsar permettait de découvrir le Fiodor si émouvant de Luisa Islam-Ali-Zade, et de retrouver en Nourrice Stefania Toczyska. Dans la fosse, hélas, Bernhard Kontarsky décevait, incapable de susciter l’orchestre rogue, aux timbres bruts, de la version originale, présentée ici avec courage, car il faut continuer à défendre celle-ci contre les splendeurs de l’orchestration de Rimsky-Korsakov décidément trop éloignée du projet initial de Moussorgsky que cette mise en scène, situant l’action au temps de la révolution bolchevique, a si pertinemment saisi.
Jean-Charles Hoffelé
Boris Godounov de Modest Moussorgsky, Théâtre du Capitole, le 17 avril 2005.
Photo : Patrice Nin
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