Benjamin Lazar ne manque pas de laisser régulièrement l’empreinte de son talent imaginatif dans les répertoires les plus variés, depuis l’opéra ou le théâtre baroque, qui ont lancé sa belle réputation de metteur en scène, jusqu’à l’opéra contemporain (comme Cachafaz de Strasnoy en 2010) (1). Ici, au Théâtre des Bouffes du Nord, il s’essaye à une relecture du mythe de La Traviata, avec un égal savoir-faire combiné d’une verve immédiate.
 
La pièce, car il s’agit d’une pièce de théâtre mêlant dialogues parlés, chants et instruments, ne retient de l’opéra de Verdi que le filigrane. Pour l’occasion de cette Traviata, Vous méritez un avenir meilleur, ainsi que s’intitule le spectacle, les récitatifs sont remplacés par des dialogues parlés d’aspect improvisé (en français), alors que les grands airs, qui ont fait la gloire inentamée de l’opéra, sont dans l’ensemble maintenus (en italien d’origine). Officient cinq chanteurs, tout autant acteurs, et huit instrumentistes (flûte, clarinette, violoncelle, contrebasse, trombone, cor, violon, mais aussi accordéon et un piano servant à tour de rôle), poussant à l’occasion également la parole et la note en chœur ou en solitaire. Finement, dans une parfaite mise en place musicale due à Florent Hubert et Paul Escobar (par ailleurs auteurs des arrangements).
 
Si la conception du spectacle associe Florent Hubert et Judith Chemla à Lazar, c’est à lui seul que revient la mise en scène. Celle-ci joue de riens, avec une vaste gaze de tulle qui s’installe et s’éternise de prime abord, d’où émergent peu à peu les protagonistes en costumes actuels de tous le jours, dans des éclairages parcimonieux, des gestes et des poses tracés au cordeau, au sein de rares éléments faisant décor (table, fauteuil, miroir, fleurs parsemées, voire un catafalque). Autant dire un spectacle à nu, laissant à nu la vérité de sa transmission. Il n’est alors que de louer l’investissement général et de tout un chacun, immédiatement saisissant, où public et intervenants semblent pris en symbiose.
 
La magnifique inspiration de Verdi en ressort au scalpel, servie par l’écrin à la proximité directe des Bouffes du Nord et son acoustique nette. Judith Chemla, Damien Bigourdan et Jérôme Billy sont des chanteurs assurés, qui ici assurent pleinement les trois rôles principaux (même s’il faut parfois se défaire l’oreille de l’éclat des souvenirs de divas et divos qui ont excellé en Violetta, Alfredo et Giorgio). Élise Chauvin et Florent Baffi leur tiennent fière compagnie vocale. Le bouquet instrumental surprend pour sa part par son acuité incisive, en phase avec celle du chant. Peut-être la diction parlée, française, voulue naturelle, pèche-t-elle justement par trop de naturel, qui confine parfois à l’inintelligibilité. Mais la vérité des situations semble à ce prix… Ce ne saurait être qu’une approche de l’opéra de Verdi, une mise en bouche, mais où l’émotion affleure à vif dans cette adaptation au goût du jour d’un drame d’hier et de toujours. Entre nostalgie et permanence.
 
Pierre-René Serna

 
(1) www.concertclassic.com/article/compte-rendu-cachafaz-doscar-strasnoy-lopera-comique-cannibalesque-jubilation
 
Traviata, Vous méritez un avenir meilleur – Paris, Théâtre des Bouffes du Nord, 20 septembre, jusqu’au 15 octobre 2016. www.bouffesdunord.com/fr/la-saison/traviata
 
Puis en tournée 
12 novembre, Théâtre de Chelles ; 15 novembre,  Espace Jean Legendre – Théâtre de Compiègne ; 18 au 20 novembre, Théâtre de Suresnes Jean Vilar ; 23 au 24 novembre, Théâtre d’Arras – Tandem-Scène Nationale ; 27 novembre, Le Théâtre-Scène Nationale de Mâcon Val-de-Saône ; 29 et 30 novembre, La Comète – Scène Nationale de Châlons-en-Champagne ;  2 et 3 décembre, Comédie de Reims – en partenariat avec l’Opéra de Reims ; 6 et 7 décembre,  La Criée – Théâtre National de Marseille 
2017
9 et 10 janvier 2017, Le Parvis - Scène Nationale de Tarbes-Pyrénées ; 13 et 14 janvier, Le Quartz - Scène Nationale de Brest ; 18 et 19 janvier, Forum Meyrin, Genève, Suisse ; 24 et 25 janvier, Théâtre de Caen ; 27 janvier, Théâtre André Malraux, Rueil-Malmaison ; 30 janvier, Le Moulin du Roc, Scène Nationale de Niort ; 1^er et 2 février, Théâtre d’Angoulême – Scène nationale ; 7 au 9 février, Le Trident – Scène Nationale de Cherbourg-Octeville ; 20 février, Théâtre Rutebeuf, Clichy ; 23 février, La Barbacane, Beynes ; 25 février, Théâtre Jean Arp – Scène conventionnée Clamart ; 28 février, Théâtre du Grand Forum – Scène Nationale Évreux Louviers, Louviers ; 2 mars, Théâtre de Sartrouville et des Yvelines – CND ; 5 mars, Théâtre Luxembourg, Meaux.
 
Photo © Pascal Victor