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« Tribute to Shakespeare » par les Talens Lyriques au Théâtre élisabéthain d’Hardelot - Attentes comblées – Compte-rendu
Avec ce lieu unique en France, le département du Pas-de-Calais et la petite cité de Condette, 2700 âmes environ, sur le territoire de laquelle se trouve le Château d’Hardelot, peuvent s’enorgueillir de posséder un équipement culturel au potentiel exceptionnel où, grâce au talent d’un architecte inspiré, le modèle du théâtre élisabéthain forme la plus belle alliance avec la modernité. Un équipement culturel qui oblige, qui appelle la singularité – et l’excellence ! Désormais directrice du Château d'Hardelot (qui englobe le Centre culturel de l'Entente cordiale et le Théâtre), Valérie Painthiaux a un exaltant défi devant elle.
N'oublions pas de rendre à César... et de rappeler que le bâtiment qui vient d’ouvrir ses portes résulte d’une décision prise en 2013 par Dominique Dupilet, à l’époque président du conseil général du Pas-de-Calais. Une initiative inspirée par le succès du Midsummer Festival (alors dirigé par Sébastien Mahieuxe), manifestation qui avait très tôt ressenti le besoin de disposer d’un lieu autre qu'un chapiteau éphémère - peu disposé à subir les éventuels caprices de la météo ...
Un budget de 6 millions € et deux ans de travaux plus tard, le théâtre imaginé par Andrew Todd et son équipe se dresse donc (entouré d’une « cage » de bambou très réussie), harmonieusement intégré au parc du château – une bâtisse fin XIXe dont certaines pièces ont servi pour des scènes d’intérieur de Ma Loute, film de Brunot Dumont.
388 places en configuration « élisabéthaine », 298 places en configuration « lyrique » (une fosse d’une capacité de 29 musiciens a été prévue), salle d’un diamètre intérieur de 13 mètres où le public - confortablement assis - se répartit de manière circulaire : l’intimisme et la sobriété du lieu séduisent d’autant plus que le bois y règne en maître : épicéa, mélèze, chêne brut ciré. Le plaisir commence avant le spectacle ...
« C’est un violon ! » : on pourrait reprendre le compliment adressé par Cortot à Perret lorsqu’il découvrit la salle que ce dernier avait construite à sa demande. Acoustique de rêve que celle du théâtre d’Hardelot, en tout cas dans la configuration « élisabéthaine » que nous avons expérimentée, chaleureuse, précise, harmonieuse, d’une proximité en rien agressive, qu’il s’agisse des instruments ou de la voix.
Les attentes sont comblées sur le plan acoustique donc, mais du point de vue musical aussi lors de la soirée confiée à Maria Grazia Schiavo et aux Talens lyriques de Christophe Rousset. Déjà donné à l’étranger mais présenté pour la première fois en France, leur « Tribute to Shakespeare » était particulièrement à sa place dans le cadre d’un 7ème Midsummer Festival conjugué avec l’inauguration du théâtre et le 400e anniversaire de la disparition du grand William.
Purcell ouvre la soirée, extraits de The Fairy Queen : les pièces instrumentales (First music, Dance for Chinese man and woman) se déploient à une présence et un saveur des timbres pour le moins irrésistibles, tandis que les teintes délicates des cordes, mystérieuses et immatérielles, font merveille en accompagnement de l’air « See, even night » dont Maria Grazia Schiavo traduit l'atmospère nocturne avec la complicité de Rousset, pas moins attentif à sa partenaire ensuite dans « Dry those eyes » (air issu de The Tempest).
D’un beau relief théâtral, l’Ouverture du Giulio Cesare haendélien prélude à deux airs de Cléopâtre : le « Se pietà di non senti », intensément vécu, et le « Da tempeste il legno infranto » où le brio vocal et le feu dominé de la soprano italienne s’illustrent magnifiquement. Ils font autant mouche chez Veracini, avec l’ «Allevar la serpe in seno » tiré de Rosalinda.
Le programme, fluide et équilibré, offre après la pause des extraits du rare Coriolano (1749) de Carl Heinrich Graun. Pleine d’autorité sous la direction d’un chef à l’évidence séduit par l’acoustique de la salle, l’Ouverture est suivie du Récit et Air de Volunnia « Ah ! no mio Coroliano – Senza di te mio bene ». De la tendre émotion à l’ardeur la plus enflammée, cette page donne la mesure de la palette expressive d’une interprète toujours attentive à la caractérisation. En que de doux sentiments met-elle dans un autre air de Volunnia, « Mio dolce sposo » ...
Rareté encore, et enfin, avec le Récitatif accompagné & Air de Julie « Auch sie verstummt – Du, die vom grauen Wagen » extrait du Romeo und Julie (1776) de Georg Anton Benda, grande figure de l’école Mannheim dont l’esthétique marqua profondément Mozart. L’expressivité stylée de M. G. Schiavo et de ses partenaires souligne la qualité d'inspiration d’un compositeur trop méconnu, autant qu’elle éclaire l’influence qu’il exerça sur le futur auteur de La Flûte enchantée.
Public conquis, gratifié de deux bis extraits de Giulio Cesare : « Piangero la sorte mia » et retour du « Da tempeste », pas moins éblouissant qu’en première partie.
Le 7ème Midsummer Festival dure jusqu’au 16 juillet et il est encore temps de faire le déplacement à Hardelot pour découvrir ce qu’Andrew Todd qualifie de « « Globe » pour notre temps ». Il vaut le détour ! Ne reste plus qu’à lui trouver un joli nom ...
Alain Cochard
7ème Midsummer Festival
Jusqu’au 16 juillet 2016
http://www.chateau-hardelot.fr/Actualites/Retrouvez-le-Midsummer-Festival-du-30-juin-au-16-juillet-au-chateau-d-Hardelot
Photo © Pascal Brunet
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