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​Trois Questions à Camille Rocailleux, compositeur – Un opératorio pour Jeanne

 

Il y a dix ans exactement, Camille Rocailleux (photo) remportait un beau succès aux Bouffes du Nord avec Judith Chemla dans L’Annonce faite à Marie d’après Paul Claudel. Du 29 janvier au 16 février, il retrouve ce théâtre avec Le Procès de Jeanne d’Arc, nouvelle création confiée à la même comédienne et chanteuse. Une étape dans une tournée qui a commencé à Pau les 17 et 18 janvier et passe par Nîmes le 23 janvier. Après Paris, le spectacle se verra sur une demi-douzaine de scènes (Noisy-le-Grand, Vichy, La Roche-sur-Yon, Caen, Meudon, Compiègne) jusqu’à la fin mai. On a interrogé le compositeur sur l’origine de sa partition et la façon dont il a traité le livret de Marion Bernède, tiré des minutes du procès de la Pucelle à Rouen en 1431.

Comment l’idée de traiter en musique la figure de Jeanne d’Arc vous est-elle venue ?  
 
L’idée du Procès de Jeanne d’Arc vient de Judith Chemla qui a été bouleversée par la lecture des minutes du procès, texte historique daté de 1431 qui en retrace toutes les étapes et dont Marion Bernède a tiré son livret. A partir de là, nous nous sommes réunis avec le metteur en scène Yves Beaunesne pour définir la manière dont nous allions mettre le texte en scène et quelle place y occuperait la musique. J’ai une très grande confiance en l’instinct de Judith, avec laquelle j’ai eu en 2014 cette très belle expérience de l’Annonce faite à Marie. Une fois le projet mis en route, Judith est repartie sur des tournages, etc., et j’ai alors commencé mon travail de compositeur solitaire ...
 

Judith Chemla © DR
 
 ... Comment justement avez vous reçu le texte que vous deviez mettre en musique et comment l’avez-vous traité ?
 
J’ai ressenti deux dimensions : la première très ancrée dans le réel, très abrupte avec la brutalité du tribunal, de juges qui harcèlent et oppressent Jeanne sans relâche – ils essaient vraiment de la « coincer ». Le second aspect est offert par une jeune pucelle analphabète qui répond avec une intuition et une intelligence saisissantes. J’ai voulu marquer ces deux dimensions dans ma partition en allant chercher parfois des matériaux sonores très sombres, très brutaux. J’ai plutôt fait appel aux voix pour soutenir les moments plus recueillis, quand Jeanne est remise en cellule entre deux interrogatoires.
 
Vos instrumentistes, au nombre de six (percussion / violoncelle / trombone / piano-synthétiseur /violon-alto / cor-bugle), sont aussi chanteurs, le spectacle fait appel à la vidéo, vous parlez d’« opératorio » : comment de manière très concrète le Procès de Jeanne se présente-t-il ?
 
La partition se structure en quatorze scènes (pour une durée totale d’1h30 ndlr). Dans les couleurs que je recherchais j’aspirais à la présence de la voix, à quelque chose qui puisse rappeler un chœur. C’est pourquoi j’ai fait appel à six musiciens capables de chanter. Je leur demande de jongler entre leur partie instrumentale et le chant, et parfois même de chanter tout en jouant. À certains moments, ils abandonnent complètement leurs instruments pour se retrouver dans une écriture chorale.
La scénographie de Damien Caille-Perret offre un bel écrin à la solitude Jeanne, avec derrière elle les musiciens qui se tiennent un peu comme un jury. Pas d’interaction avec l'héroïne, mais ils sont constamment là. Quant aux images, Pierre Nouvel a réussi à créer une partition vidéo tout à fait organique. On a vraiment l’impression que les gens sont présents ; de fil en aguille, Judith arrive à les rendre encore plus réels en jouant de leurs réactions. On retrouve tous les personnages du procès, de Pierre Cauchon à Nicolas Loyseleur, en passant par Jean Beaupère. La vidéo offre la possibilité de jouer avec les échelles, de grossir les visages, de les rendre menaçants tandis que Jeanne, toute petite, toute fragile, se défend de toute sa force face à des hommes qui ont décidé de l’acculer.
 
Propos recueillis par Alain Cochard, le 18 janvier 2025

 

 
Camille Rocailleux : Le Procès de Jeanne d’Arc (création)
 
23 janvier 2025 au Théâtre de Nîmes
theatredenimes.com/spectacle/le-proces-de-jeanne/


Du 29 janvier au 16 février 2025 au Théâtre des Bouffes du Nord, Paris (à 20h, du mardi au samedi, relâche le jeudi)
www.bouffesdunord.com/fr/la-saison/le-proces-de-jeanne
 
le 4 mars 2025 à l’Espace Michel-Simon, Noisy-le-Grand ; le 8 mars 2025 à l’Opéra de Vichy
 ; les 11 et 12 mars 2025 au Grand R, scène nationale La Roche-sur-Yon
 ; les 19 et 20 mars 2025 au Théâtre de Caen
 ; le 25 mars 2025 au Centre d’Art et de Culture, Meudon
 ; le 27 mai au 2025 au Théâtre Impérial de Compiègne.
 
Site de Camille Rocailleux : www.camille-rocailleux.com/

Photo © DR

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