« Furiant » : emprunté à la Danse slave op. 46 n° 8 de Dvorak, ce titre plein de caractère est celui d’un programme que Deborah Nemtanu et La Symphonie de Poche de Nicolas Simon ont donné à plusieurs reprises – et avec quel succès ! – lors de la Folle Journée 2024. Il est aussi celui d’un disque enregistré pour Mirare (1) et dont une soirée au Bal Blomet fêtera la sortie le 29 mai prochain. On en a profité pour interroger Nicolas Simon, chef débordant d’initiatives et de curiosité. Il évoque son travail avec Deborah Nemtanu et La Symphonie de Poche – ensemble de 13 musiciens qu’il a fondé en 2013 et avec lequel il propose des arrangements, admirablement réalisés, de grandes pièces du répertoire. Mais on a aussi abordé son activité à l’Orchestre de Caen, dont il est chef principal depuis 2020, sans oublier les domaines du lyrique et des musiques à l’écran.
 

Deborah Nemtanu © Lyodoh Kaneko
 
 
Une longue complicité vous unit je crois à Deborah Nemtanu ... 
 
Nous nous connaissons depuis longtemps en effet. D’abord sans vraiment nous connaître ; nous nous sommes en effet croisés au Conservatoire de Paris dans la classe de Gérard Poulet, d’où elle a dû sortir à la fin de ma première année. Je me souviens qu’à l’époque Deborah et Sarah Nemtanu étaient deux violonistes dont on parlait beaucoup au Conservatoire. J’ai l’ai entendue jouer mais, sans doute un peu par timidité, je ne suis pas allé vers elle à l’époque. C’est un peu plus tard que nous avons vraiment fait connaissance, au moment où j’ai été amené à diriger l’Orchestre de chambre de Paris dont Deborah était devenue le violon solo. Je crois me souvenir que le contact s’était noué par l’intermédiaire de Deborah, qui m’avait recommandé pour venir faire une partielle cordes. Les choses s’étaient bien passées ; l’orchestre m’avait rappelé et j’ai par la suite été amené à faire des concertos avec elle, dont celui de Beethoven. Nous avons compris que nous aimions travailler ensemble et j’ai senti aussi son intérêt pour des projets « pas de côté ». Par-delà la très grande fiabilité instrumentale de Deborah, on ne peut qu’être séduit par une force d’expression qui va de pair avec la grande finesse de son jeu.
 
 

Après un premier enregistrement de musique française (2), vous avez donc retrouvé la violoniste pour ce programme « Furiant », donné de nombreuses fois lors de la Folle Journée 2024. La manifestation nantaise a-t-elle été à l’origine de ce deuxième disque ?
 
Sous cette forme là oui. En fait, dès notre premier disque, nous savions que notre collaboration aurait une suite. Nous avons monté un programme intitulé « Transatlantic Rhapsody » qui avait pour objectif, comme son nom l’indique, de faire dialoguer des rhapsodies de part et d’autre de l’Atlantique. Le Tzigane de Ravel en faisait déjà partie, tout comme la Rhapsodie n° 1 de Bartók ou les Airs bohémiens de Sarasate. On y trouvait aussi du Gershwin, et une réponse d’un de nos compositeurs-arrangeurs, Lucas Henri, à Un Américain à Paris.
Quand René Martin nous a contactés et nous a montré son envie de nous inviter à la Folle Journée, compte tenu du thème choisi (« Origines ») nous avons remanié le programme pour lui donner une dimension plus Europe centrale, sous le titre « Furiant ». Nous avons gardé des pièces essentielles, Bartók, Sarasate, Ravel, et les avons entourées de danse slaves et hongroises et de la Balada de Ciprian Porumbescu, qui se fait l’expression de l’âme roumaine dans ce programme.

Nicolas Simon et l'équipe de La Symhonie de Poche © Lyodoh Kaneko

 La soirée du 29 mai au Bal Blomet fêtera la sortie de « Furiant ». Où pourra-t-on retrouver La Symphonie de Poche après cette date parisienne ? Et quels sont vos projets, indépendamment de cet ensemble ?
 
Le programme « Furiant », mais aussi « Transatlantic Rhapsody » vont continuer de tourner. Nous serons à Avranches et à Grenoble à l’automne prochain. Le programme intitulé « Paris at night », autour de chansons de Kosma/Prévert et avec Marie Perbost, continue lui aussi de tourner et sera redonné plusieurs fois la saison prochaine, dont une date à Namur en février. Le programme autour de Boris Vian « On n’est pas là pour se faire engueuler » a lui cessé de tourner mais, afin qu’une trace demeure, nous avons réalisé un enregistrement de quatre titres avec Arnaud Marzorati et Agathe Peyrat, qui sortira en novembre, a priori en vinyle pour rester dans l’esprit des années Boris Vian. Pour l’instant, il n’y a pas de nouveau projet en vue avec Deborah mais rien n’est exclu. Nous avons des idées pour un projet autour de Broadway avec Agathe Peyrat, un autre sur Queneau et la chanson, et aussi quelque chose avec Robin Melchior, l’un de nos compositeurs-arrangeurs, autour des Tableaux d’une exposition de Moussorgski, au cours desquels viendraient s’insérer de nouveaux tableaux.
 
Je suis par ailleurs très sollicité à l’Orchestre de Caen, dont je suis chef principal depuis la rentrée 2020 et où je me rends six fois par an. Le dernier programme de la saison, le 18 juin, m’offrira d’ailleurs le plaisir de retrouver Deborah Nemtanu puisqu’elle sera l’une des solistes du Concerto pour deux violons de Martinu au côté de sa sœur Sarah. Une belle saison s’annonce à Caen pour 2024-2025 avec la poursuite d’une intégrale des concertos pour piano de Mozart, aussi bien que des pages plus rares de Roussel, Mel Bonis, etc.
Côté opéra, j’aurai le plaisir de diriger en avril à l’Opéra d’Avignon la reprise de la production de Zaïde de Mozart, que nous avions donnée à Rennes en février 2023. Enfin, avec le Yellow Socks Orchestra, formation indépendante créée dans le but de jouer des musiques en lien avec l’image, plusieurs projets se profilent, dont « Les Choristes » en ciné-concert à la Philharmonie en fin d’année.
 
Propos recueillis par Alain Cochard le 15 mai 2024