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Trois questions à Philippe Bélaval, Président du Centre des Monuments Nationaux – « Les lieux chargés d’histoire de l’humanité sont propices à la création »
Il ne suffit pas de conserver et de restaurer les grands monuments pour leur garder leur âme, il faut aussi les ranimer, réveiller leur message. C’est à cette mission émouvante que s’attache Philippe Bélaval avec le cycle de spectacles vivants organisés en plusieurs lieux prestigieux, dont c’est la troisième saison (celle-ci débute le 11 avril au Châtau de Rambouillet avec l’Ensemble Doulce Mémoire). Par chance, ce haut fonctionnaire qui fut de 1990 à 1992 directeur général de l’Opéra de Paris, se passionne pour l’art de faire vivre le patrimoine. Et ajoute aux classiques manifestations littéraires (MotsNus) et musicales du cycle Monuments en musique, un nouveau volet, Monuments en mouvement, celui de la danse. Un pari audacieux qui ramène à une dimension antique de cette expression, laquelle accompagnait jadis les plus grandes manifestations religieuses ou civiles. Eclairage.
Comment s’est effectué le choix des monuments ?
Philippe BELAVAL : Le Centre en gère 98. Il faut qu’ils appartiennent à l’Etat et de surcroît n’aient pas de gestion propre, comme Versailles par exemple. Il faut aussi qu’ils ne courent aucun risque, ainsi Carnac, qui n’est pas adapté aux manifestations, dont les secousses pourraient ébranler les alignements. Et bien évidemment, lorsqu’il s’agit de hauts lieux sacrés comme Saint-Denis, qui accueille déjà de nombreux concerts, de sérieuses négociations avec les autorités ecclésiastiques sont nécessaires. La tonalité de cette saison musicale est donnée en partie par deux commémorations, le 500e anniversaire de l’avènement de François 1er et le Tricentenaire de la mort de Louis XIV. Elle s’ouvre au château de Rambouillet par un concert de l’Ensemble Doulce Mémoire, qui explorera le répertoire de l’Ecurie et de la Chambre du Roi au XVIe siècle, tandis qu’en octobre l’Ensemble Clément Janequin évoquera la Guerre et la Paix, avec notamment la fameuse Bataille de Marignan, dans le cadre du Palais du Tau, à Reims. Pour la thématique Louis XVI, les Leçons de Ténèbres de Couperin seront données à L’Abbatiale du Mont Saint Michel, par le Concert Spirituel. Nous avons aussi divers partenariats, avec l’Orchestre de Paris, ainsi qu’avec La Comédie Française et le Théâtre de l’Odéon pour les lectures. En tout douze monuments sont concernés cette saison.
Comment vous est venue cette idée d’ajouter la danse ?
P. B. : Dans ce domaine, qui proposera quatre spectacles, il s’agira de nouveautés, à l’exception de Cavale de Johann Bourgeois. Je crois profondément que les lieux chargés d’histoire de l’humanité sont propices à la création. Le Festival d’Avignon en est le plus bel exemple. Et le public répond toujours plus nombreux à cette dimension de la vie artistique vivante. Bien sûr la danse est une aventure nouvelle dans cette démarche du Centre à laquelle je m’attache énormément. Je pense en effet, qu’il faut parfois un minimum de familiarité avec la musique classique pour en percevoir toute la portée. En revanche, la danse non classique bien sûr, et donc non codée, m’apparaît comme un moyen de communication plus direct, qui parle à toutes les sensibilités, même non préparées, de façon plus évidente, à condition de bien choisir ses emplacements, car elle pose le problème de la disposition du public.
Les chorégraphes que j’ai sélectionnés l’ont été pour leur envie de répondre à ces sollicitations, en raison aussi de l’intérêt qu’ils m’ont paru susciter, ainsi Thomas Lebrun, qui vient de se produire avec succès au Théâtre de Chaillot et créera ici une pièce intitulée Où Chaque souffle danse nos mémoires. Leur désir est grand d’ajouter leur réflexion au chemin de mémoire qui leur est proposé. Ainsi Nathalie Pernette, qui travaille en résidence avec la Scène Nationale de Macon, notre partenaire pour son spectacle en l’Abbaye de Cluny : fascinée par la figure du gisant, sur lequel elle pose la question immobilité vivante ou mouvement immobilisé, elle donnera avec Une pierre presque immobile, le premier volet de ce qui sera sans doute une trilogie. Quant à Yohann Bourgeois, son spectacle Cavale se situe entre danse et cirque, c’est pourquoi il faut qu’il soit en hauteur : nous le plaçons au Trophée d’Auguste à la Turbie, puis au Mont Dauphin.
Votre enjeu le plus risqué sera sans doute la création au Panthéon, les 14 et 15 avril, une grande nouveauté pour le Temple de la Nation ?
P.B. : Il est certain que rien n’y avait été fait que des lectures. C’est un lieu imposant et en plus rebelle quant à son acoustique et à sa disposition, et on n’y met pas de chaises. Voilà donc l’enjeu, en prélude aux panthéonisations qui auront lieu en mai, celles de Germaine Tillion, de Geneviève de Gaulle-Anthonioz, de Pierre Brossolette et de Jean Zay : 25 minutes sur le thème de l’héroïsme, et sur celui dont chacun de nous peut faire preuve. Qu’est ce qu’un grand homme, qu’est ce qu’un héros ?
J’ai confié cette méditation à Radhouane El Meddeb, venu de la danse de rue, qui rassemble onze danseurs également de même origine artistique, mais qu’il fait travailler comme des professionnels. Je lui fais d’autant plus confiance qu’il est soutenu par le Centquatre, ce qui offre la garantie d’une structure déjà très fiable, dont les relais me sont précieux. La musique, sur bande, est très belle, et consiste en un mixage de pièces classiques et autres. Reste évidemment la question de l’impact sur le lieu, difficile comme je l’ai dit, mais si porteur. La danse est là pour en casser un peu l’image figée. La culture donne de la joie et quel que soit le résultat de cette création ponctuelle, dont je mesure les inconnues, je suis confiant dans le bien fondé de la démarche.
Propos recueillis par Jacqueline Thuilleux, le 2 avril 2015
Centre des Monuments Nationaux, Monuments en mouvements, Monuments en musique, et Mots-nus, du 14 avril au 14 octobre 2015. Programmation détaillée sur : www.monuments-nationaux.fr
Photo Philippe Bélaval © D.Plowy-CMN
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