Journal
"Un Ballet pour notre temps" par Philippe Verrièle - Hommage à Philippe Cohen et au Ballet de Genève – Compte-rendu
Philippe Verrièle, écrivain et journaliste, est un personnage à part : truculent et raffiné, rabelaisien et hypersensible, il a depuis des décennies, enrichi la littérature consacrée à la danse de textes vifs, impertinents, gouailleurs, mais toujours d’une grande profondeur et originalité. Là, c’est une rencontre qu’il évoque, celle faite avec un artiste qui a marqué sa vie, Philippe Cohen, danseur- non chorégraphe qui donna au Ballet du Grand Théâtre de Genève, une identité, une classe à laquelle cette troupe tendait tout en traversant des périodes difficiles. L’intelligence avec lesquelles Cohen, pendant les vingt années que dura sa direction, réussit à trier dans l’énorme masse de créateurs pour faire venir à Genève les chorégraphes les plus inspirés du moment, de ceux qui avaient vraiment quelque chose à dire et le disaient bien, comme Saburo Teshigawara et Andonis Foniadakis, montrent combien l’homme était clairvoyant.
On parle à l’imparfait, car cet artiste brûlant et discret, après avoir quitté la compagnie en 2022 – remplacé par Sidi Larbi Cherkaoui – n’est déjà plus de ce monde. En ami fidèle et admiratif, c’est la passion de Philippe Cohen et les résultats flamboyants engendrés à Genève que conte Verrièle dans ce magnifique ouvrage, pour lequel il a eu plusieurs collaborateurs précieux, dont Jean Pierre Pastori, ô combien spécialiste du ballet suisse (où un certain Maurice Béjart eut aussi son rôle à jouer) et la brillante journaliste Bérengère Alfort. Il tente, et réussit à ouvrir les portes de la danse contemporaine, art en pleine mutation, et à la rendre éloquente, habitée par les problématiques actuelles, mais rigoureuse dans son expression.
Il y eut en 1967 une Messe pour le Temps présent, emblématique des années avignonnaises de Béjart, voici aujourd’hui un Ballet pour notre Temps : la ruée vers l’or du filon chorégraphique ne faiblit pas. On ajoutera un élément majeur, à savoir que l’illustration est d’une qualité rare, qui ose la beauté -pour changer des portraits de danseurs à la mode où on ne voit que des gros plans sur un orteil enveloppé de bandes, ou des gouttes de sueur sur une tempe-, et séduit par son abondance. On appréciera notamment le grand cas que l’iconographie fait du Tristan et Isolde de Joëlle Bouvier (photo), resserré en 1h30, en 2015, et chef-d’œuvre de cette superbe créatrice – il est vrai que Wagner était un bon compagnon. Un livre solaire, qui éclaire sur une forme d’art en pleine éclosion.
Jacqueline Thuilleux
Photo © Gregory Batardon-GTG (photo de la reprise du spectacle en 2022)
Derniers articles
-
21 Décembre 2024Jacqueline THUILLEUX
-
19 Décembre 2024Jacqueline THUILLEUX
-
17 Décembre 2024Alain COCHARD