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Un ballo in maschera au Festival de Verbier 2022 – Énergie décuplée – Compte-rendu

 
Grand stress verdien pour cet opéra en concert comme le Festival de Verbier sait les aligner victorieusement depuis des années. Il faut dire qu’au départ le sort se montrait funeste, ainsi qu’on le disait dans le langage mélodramatique romantique. Certes, la pluie étant absente, nous n’avons pas eu sur le toit le roulement de tambour frénétique qui accompagne parfois les musiciens, mais une défection de poids avec l’absence due à la maladie de la grande Ekaterina Sementchuk pour Ulrica, remplacée par l’utile Daniela Barcellona, puis une Amelia pharyngiteuse en la personne de l’américaine Angela Meade, qui a vaillamment assuré tout en évitant ses deux grands airs, sabrés, donc par le chef, enfin un entracte long et imprévu pour permettre l’évacuation d’une artiste (laquelle ?) par hélicoptère, dont le bruit infernal aurait évidemment nui aux extases verdiennes. Le chef Gianandrea Noseda (photo), réputé pour son talent mais pas pour sa mollesse, a donc dû faire face à tous ces désagréments avec une énergie décuplée et le public a eu la délicatesse, non feinte d’ailleurs, d’offrir un triomphe aux interprètes encore en piste.
 

 © Evegeny Evtyukhov
 
Car ce Bal masqué fut vibrant, violent, peut-être un peu dépourvu de ce lyrisme qui contrebalance les élans passionnés de Verdi, mais incontestablement prenant, et d’une qualité orchestrale et vocale éblouissante. D’autant que le fond de scène, enrichi d’images vidéo d’une superbe inventivité signés Aline Foriel-Destezet, alliant beauté des couleurs et force dramatique autant qu’historique, nourrissait le regard. Extrême qualité donc, du Verbier Festival Orchestra, mobile dans sa composition annuelle renouvelée, et immuable dans son engagement face au chef et à la musique. Il est vrai que ces jeunes gens issus des plus prestigieuses écoles, formations et concours, n’ont pas encore eu le temps de s’ennuyer et de prendre ces manies sans âme qui gâchent bien des grands orchestres. Et faute de Gergiev, qui devait les guider, ils ont eu le grand Gianandrea Noseda, qui les secouait encore plus, tout en obtenant d’eux des raffinements mettant notamment en valeurs des cordes et des flûtes aussi expressives que délicates : ardent, précipité, le chef arrachait l’œuvre aux quelques longueurs qui la ralentissent, entre les airs  poignants qui font sa beauté.
 

Freddie De Tommason & Ludovic Tézier  © Evegeny Evtyukhov
 
Le héros, en tout premier, n’est pas celui qui a emporté le plus notre adhésion, malgré l’impeccable tenue de sa voix aisée : Riccardo, donc, était incarné par un des plus grands espoirs du chant international, où l’on sait que les grands ténors ne sont pas légion, l’anglo-italien Freddie De Tommaso, mis en vedette par ses succès au Concours Ricardo Viñas 2018. Vaillance, certes, ligne de chant sans faille, mais un caractère légèrement feutré qui enlève de la clarté à cette voix que l’on voudrait éclatante. Face à lui, et malgré ses problèmes de gorge qui lui ont fait raccourcir son rôle magnifique, et dont à vrai dire, on a peu pris conscience, Angela Meade a su séduire, émouvoir et faire flotter toute la poésie de son douloureux personnage. Voix aussi large que veloutée, et qu’on imagine encore magnifiée lorsque son état le lui permet. Accueil enthousiaste donc pour la chanteuse visiblement perturbée, autant par sa méforme que par l’hommage d’un public de bon aloi.
 

Freddie De Tommaso & Ying Fang  © Evegeny Evtyukhov

Délice aussi que le soprano virevoltant, scintillant de Ying Fang, qui donne au rôle d’Oscar toute sa grâce et sa fraîcheur, et expression dramatique de Daniela Barcellona, dont la voix n’a évidemment plus la puissance d’antan, mais qui garde une forte présence, essentielle pour le rôle de caractère de la sorcière Ulrica. Et enfin, car il faut rendre à César ce qui est à César, impeccable, royale présence de Ludovic Tézier en Renato, aussi immuable dans sa perfection rayonnante que la statue du Commandeur.  Le public de Verbier, composé de fins mélomanes, lui a fait une ovation. Après un premier acte un rien laborieux, c’est le grand Verdi qui a résonné ce soir là.
 
Jacqueline Thuilleux

 Verdi : Un ballo in maschera (version de concert)- Verbier, Salle des Combins 25 juillet 2022. Festival de Verbier, jusqu’au 31 juillet : www.verbierfestival.com
 
Photo © Evegeny Evtyukhov

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