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Une interview de Guillaume Connesson – « Ce concerto est une forme d’hymne à la lumière »
Fin de saison sous le signe de la création à la Fondation Louis Vuitton avec la création de L’espérance de l’aube, un concerto pour piano de Guillaume Connesson (photo), que l’on découvrira les 22 et 23 juin. Un événement d’autant plus attendu que l’ouvrage sera donné par Alexandre Kantorow, son dédicataire, accompagné par le Scottish Chamber Orchestra dirigé par Lionel Bringuier, qui offrira en outre les Masques et Bergamasques de Fauré et la Sinfonietta de Poulenc. On a interrogé Guillaume Connesson au sujet d’un ouvrage important dans son parcours créateur.
Comment est venue cette commande de la part de la Fondation Louis Vuitton ; comment s’est produite la réunion d’Alexandre Kantorow, Lionel Bringuier et le Scottish Chamber Orchestre autour de votre partition ?
C’est en fait le résultat du croisement de deux choses différentes. La première est qu’Alexandre avait déjà eu l’occasion, il y a une petite dizaine d’années, de jouer ma musique – ma sonate pour violoncelle et piano Les Chants de l’Agartha en l’occurrence –, ce qui lui avait donné envie de me demander peut-être, un jour, une œuvre plus développée ... D’un autre côté, la Fondation Louis Vuitton – pour laquelle j’avais déjà écrit une pièce destinée à la Classe d’Excellence de Gautier Capuçon –, m’a proposé, par l’intermédiaire d’Hélène Arnault, de me lancer dans une composition de format plus ambitieux.
De là est née l’idée de réunir ce projet en suspend avec Alexandre et cette opportunité de commande avec la Fondation. Et lorsque j’ai proposé le nom d’Alexandre à celle-ci pour la création, l’accueil à été particulièrement enthousiaste ! A la suite de cela, la Fondation s’est mise en quête d’un orchestre. Le Scottish Chamber Orchestra avait depuis longtemps envie de travailler avec Lionel Bringuier. Chance là encore car celui-ci avait déjà dirigé l’une de mes pièces il y a quelques années – un concert auquel je n’avais hélas pas pu assister – ; j’avais depuis longtemps envie de travailler avec lui ; sa présence à la tête du SCO pour la création du concerto relevait donc de l’évidence.
Comment situer votre nouvel ouvrage concertant, par rapport au deux qui l’ont précédé : The Shining One en 1989, inspiré par la science fiction, et le Concertino pour piano, créé en 2013 ?
The Shining One, pièce d’une dizaine de minutes écrite pour Jean-Yves Thibaudet était une sorte de complément – si je peux oser ce mot – au Concerto en sol de Ravel ; il ne s’agit pas d’un concerto de grande dimension. Le Concertino, comme son nom l’indique est aussi de format réduit. L’espérance de l’aube est le premier ouvrage que j’écris qui a vraiment une dimension de concerto - il totalise une grosse vingtaine de minutes. Quant à l’esprit général, il n’y a pas de roman, d’histoire à sa source, comme c’était le cas avec The Shining One. C’est une pièce de renaissance en fait. J’ai eu envie de quelque chose qui célèbre la lumière d’été, c’est une forme d’hymne à la lumière.
« Une œuvre secrètement autobiographique et ouvertement hédoniste », écrivez-vous dans la note qui accompagne la partition ...
En effet, je sortais d’une période difficile du point de vue de la santé ; c’était une manière de reprendre espoir ; d’où d’ailleurs le mot « espérance » qui figure dans le titre. C’est un geste d’optimisme dans une période qui ne l’était pas tellement, que ce soit d’un point de vue collectif – le confinement – ou individuel donc.
Dans quelle mesure la personnalité pianistique d’Alexandre Kantorow, ses moyens techniques phénoménaux vous ont-ils influencé, guidé dans la manière de concevoir votre ouvrage ?
Je sais que j’ai affaire avec Alexandre à un immense pianiste et, accessoirement, à une immense technique ; nous nous sommes rencontrés avant que je me lance dans le travail d’écriture, mais pas du tout pour parler de points d’ordre technique. L’aisance incroyable d’Alexandre était une forme de liberté pour moi ; je me suis senti libre d’écrire ce qui me chantait, comme aurait pu le dire Poulenc.
Combien de temps vous a pris la composition de L’espérance de l’aube ?
Beaucoup de temps, anormalement beaucoup de temps, ai-je envie de dire, par rapport à mon mode de fonctionnement habituel : presque six mois. Mais c’est une pièce à laquelle je tiens beaucoup, comme toutes les choses qui vous demandent des efforts.
Quid de la partie orchestrale ?
Il s’agit d’une formation Mozart légèrement étendue par une percussion supplémentaire. La couleur générale est très poétique ; j’ai d’ailleurs sous-titré la pièce « Poème concertant » et mis un poème de Verlaine en exergue, avec aussi la volonté de signifier qu’il y a un vrai dialogue entre le piano et l’orchestre, ce tout particulièrement dans le premier mouvement. L’orchestre est un peu plus accompagnant dans les deux épisodes suivants, mais dans le premier on trouve une interaction assez délicate, sur des temps très courts, d’une mesure à l’autre, entre le piano et l’orchestre. Tout doit être très fluide et très souple. Très transparent aussi : compte tenu de l’effectif, j’ai plutôt travaillé sur la clarté, la fraîcheur des couleurs, avec un grand importance accordée aux bois. Le mouvement initial est d’esprit presque pastoral.
Quels sont vos projets pour les mois prochains ?
Je prépare une pièce pour le Festival Présences 2024 (une édition Steve Reich), pour ensemble de percussions et voix amplifiée ; un peu après une pièce pour très grand orchestre – la nomenclature du Sacre du printemps très exactement – sera créée par le New World Symphony Orchestra de Stéphane Denève à Miami. Viendra ensuite une nouvelle commande de l’Orchestre du Concertgebouw : un concerto pour flûte, mon deuxième pour cet instrument, qui sera créé par Emily Beynon, la flûte solo de cette formation.
Propos recueillis par Alain Cochard le 1er juin 2023
Alexandre Kantorow / Scottish Chamber Orchestra, Lionel Bringuier
Œuvres de Connesson (création), Fauré & Poulenc.
22 & 23 juin 2023 – 20h30
Paris - Fondation Louis Vuitton
www.fondationlouisvuitton.fr/fr/programme/a-venir?categorie=musique
Photo © Christophe Peus
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