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Unsuk Chin au 33e Festival Présences de Radio France – Ouverture miracle – Compte-rendu

 

 
On l’oublie parfois, mais un concert doit raconter quelque chose, à tout le moins emmener son public quelque part. C’est peut-être encore plus vrai pour la musique d’aujourd’hui : à quoi servirait de sauter de création en création si, in fine, l’auditeur se trouve déboussolé ? L’exercice est donc difficile mais Radio France le réussit parfaitement pour ce concert d’ouverture du festival Présences.
 

Unsuk Chin & Michel Orier, directeur de la musique et de la création à Radio France © Christophe Abramowitz 
 
Cela tient d’abord, évidemment, au choix de la personnalité célébrée cette année. Née en 1961, Unsuk Chin est une compositrice qui conjugue la fantaisie et la précision, qui déploie des trésors de minutie pour faire vivre son riche imaginaire le temps d’une œuvre. Deux de ses œuvres étaient au programme de ce concert. Dans le Double concerto pour piano, percussion et ensemble, créé au festival Présences il y a vingt ans, l’énergie, la vivacité rythmique sont omniprésentes et se doublent d’une certaine théâtralité par la grâce du jeu incroyablement virtuose du percussionniste Samuel Favre. Le piano « discrètement préparé », sous les doigts de Dimitri Vassilakis, apporte quant à lui lumière et couleurs qui sont ensuite comme diffractées par les dix-neuf musiciens de l’ensemble. À l’inverse, Cantatrix sopranica (2004-2005) part du théâtre, de l’exercice du chant : la technique vocale est au cœur de l’œuvre – bien servie ici par les sopranos Johanna Vargas et Susanne Leitz-Lorey, à la fois sujet et source proliférante de la musique. Ses huit épisodes enchaînés, déclinant les pastiches et les développements canoniques jusqu’à l’absurde, peignent Unsuk Chin en orfèvre de l’humour en musique, à la manière de son maître György Ligeti (dans les Nonsense Madrigals ou Aventures et Nouvelles aventures, programmées par le festival ce samedi).
 

(de g à dr.)  Tito Ceccherini, Unsuk Chin, Samuel Favre & Dimitri Vassilakis © Christophe Abramowitz

La réussite de ce concert doit aussi beaucoup au travail de l’Ensemble intercontemporain, sous la direction énergique et enthousiaste de Tito Ceccherini (photo). Les musiciens se montrent visiblement heureux de remettre à leur répertoire ces deux pièces d’Unsuk Chin dont ils furent les co-commanditaires. De même, dans Sky Blue de la Taïwanaise Chia-Ying Lin (née en 1990), pièce commandée par Radio France et l’EIC pour ouvrir cette 33édition du festival Présences, un soin tout particulier est apporté aux couleurs, à leurs variations et leurs vibrations miniatures, quand bien même l’œuvre ne se démarque pas par une profonde originalité.
 

La Maîtrise de Radio France © Christophe Abramowitz

Enfin, un concert réussi, cela tient aussi, parfois, du miracle. Il prend ici la forme de Chlorophyll Synthesis, création de Bastien David (né en 1990) qui réunit la Maîtrise de Radio France, l’Ensemble intercontemporain et le métallophone, l’instrument accordé en douzième de ton imaginé par le compositeur – et joué par les musiciens de la compagnie Les Insectes. Bastien David touche au grandiose en allant chercher l’infime : mises en résonance par les six percussionnistes, les 216 lames du métallophone créent une atmosphère, un environnement sonore envoûtant – sinon psychotrope : quand les jeunes choristes de la Maîtrise, merveilleusement préparée par Sofi Jeannin, agitent seulement leurs bras, comme pris dans un souffle au début de l’œuvre, on croirait entendre un chant – celui de voix ou celui du vent ? L’infra-sonore nous saute aux oreilles, captive et émerveille. Tout cela qui semble sonner avec naturel et légèreté est pourtant bel et bien écrit. Le son bruissant des voix et des instruments mêlés devient chant, devient musique et se prolonge en un temps suspendu.
 
Jean-Guillaume Lebrun
 

 Paris, Maison de la Radio et de la musique, mardi 7 février 2023 ; le festival Présences se poursuit jusqu’au dimanche 12 février // www.maisondelaradioetdelamusique.fr/festival-presences-2023-unsuk-chin

Photo © Christophe Abramowitz

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