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Uthal de Méhul à l’Opéra royal de Versailles - Utile redécouverte - Compte-rendu
Poursuivant sa route fleurie du répertoire dit « romantique français », le 3ème Festival du Palazzetto Bru Zane ressort Uthal. Cet opéra-comique oublié d’un Étienne-Nicolas Méhul (1763-1817) qui l’est presque autant, sinon pour son nom associé aux cérémonies révolutionnaires ou napoléoniennes et pour son Chant du Départ, a été créé en 1806. On ne saurait parler, en l’espèce, d’un oubli injuste, pour un ouvrage d’assez faible souffle musical et de structure, alignant quelques ensembles et airs convenus.
La formule en est pourtant originale, à commencer par l’orchestration, d’où les violons sont exclus. Il en résulte, hélas !, une couleur générale assez monocorde, sourde plutôt que sombre, d’autant que les aigus sont aussi éliminés du côté des voix, solistes et chorales, à l’exception d’une seule mezzo. On retient une belle ouverture tumultueuse (puisqu’il est question d’orage), une complainte d’un original style modal (le « Chant des Bardes », avec baryton soliste accompagné d’un trio masculin) et un joli ensemble histoire de bien finir.
Le rôle de Malvina (la mezzo et voix féminine solitaire) possèderait des emportements qui font songer à Gluck, mais amoindri. Pour ce rôle qui tourne court, comme l’œuvre : une heure quinze, y compris de pesants dialogues parlés, omniprésents et tombant régulièrement à plat. Bien peu à se mettre dans l’oreille ! La trame ne compense guère, qui conte une histoire extravagante, d’après Ossian (prête-nom de James Macpherson), d’un vieux chef écossais trahi par son subalterne, Uthal, qui finit toutefois par épouser la fille du chef avec son assentiment… L’air du temps en quelque sorte, quand on rêvait aux brumes nordiques.
Il n’empêche que l’aventure valait la peine d’être tentée et qu’il était utile de redécouvrir, ne serait-ce que le temps d’un concert, ici dans le cadre approprié de l’Opéra royal de Versailles, un ouvrage seulement cité par les monographies. D’autant que l’interprétation, confiée à la tutelle de Christophe Rousset, n’appelle que des éloges. Jean-Sébastien Bou présente un Larmor, le vieux chef ossianique, bien senti. Pour Uthal, Yann Beuron distille la technique vocale de ténor baroqueux français, avec de beaux aigus en voix de tête, comme il sait si bien le faire. Une mention particulière pour Philippe-Nicolas Martin, le Chef des Bardes et baryton assuré. Et Karine Deshayes dispense le seul rôle féminin avec l’ardeur qu’on lui connaît. Et tous de s’avérer pareillement excellents pour les longues tirades parlées, qui les mettent pourtant à rude épreuve.
Dépourvu de ses pupitres féminins, le Chœur de chambre de Namur reste néanmoins égal à lui-même ; autrement dit, parfait. Tout comme les Talens Lyriques, sous la vaillante battue de Rousset. Uthal à son meilleur. Afin de se faire la meilleure idée possible de sa valeur, limitée il faut bien l’admettre.
Pierre-René Serna
Méhul : Uthal – Versailles, Opéra royal, 30 mai 2015. Un enregistrement discographique est prévu.
3ème Festival Palazzetto Bru Zane à Paris, jusqu’au 5 juin 2015 : www.bouffesdunord.com/fr/saison/542d6adbabbe0/festival-palazzetto-bru-zane-a-paris-3eme-edition
Photo © Gaëlle Astier-Perret
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