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Vous avez dit sonorisé ? - Une interview de Maxime Pascal, chef de l’Ensemble Le Balcon
Co-fondateur de l’Ensemble Le Balcon, passionné de musique contemporaine, le chef Maxime Pascal s’affirme à 27 ans parmi les personnalités les plus originales de la jeune scène musicale et développe un projet qui a séduit un Pierre Boulez par exemple. Du 14 au 19 mai, au Théâtre de l’Athénée, il dirige Ariane à Naxos. Une version de concert de l’ouvrage de Richard Strauss, réalisée avec la complicité de Benjamin Lazar ; une singulière expérience en perspective ...
Quel était votre projet en fondant Le Balcon ? En quoi se singularise votre ensemble ?
Maxime Pascal : J’étais encore étudiant au Conservatoire de Paris lorsqu’en 2008 j’ai créé Le Balcon avec les compositeurs Pedro Garcia-Velasquez, Juan-Pablo Carreño et Mathieu Costecalde, le pianiste chef de chant Alphonse Cemin et l’ingénieur du son Florent Derex. Nous avons en effet la particularité de sonoriser le plus souvent ce que nous jouons. L’éloignement que je ressentais par rapport au son dans les grandes salles de concerts, mais aussi la sensation que l’on éprouve dans les salles de cinéma où l’on est complètement englobé par le son m’ont incité à aller dans cette direction, tout comme l’expérience de l’opéra selon Wagner ou Stockhausen. A Bayreuth comme dans Licht, le spectacle devient total. Chez Stockhausen, cela passe justement par la sonorisation systématique de tous les instruments.
Le Balcon s’est créé selon le modèle d’un ensemble à géométrie variable, dans l’esprit de l’Ensemble intercontemporain, avec un soliste par instrument. Mais très vite, la pratique de l’opéra, de musiques plutôt « anciennes » (rires), comme Rimski-Korsakov ou Strauss, ou la collaboration avec des compositeurs d’aujourd’hui nous ont fait prendre conscience d’un lien très fort avec la tradition symphonique, c’est à dire avec l’orchestre hiérarchisé (violon solo, hautbois solo, timbalier solo, etc.). Une hiérarchie acoustique sur laquelle est fondée toute la littérature d’orchestre jusque dans les années 1950.
Nous jouons toutes les musiques et nous assumons donc ce double héritage de la géométrie variable et de la tradition orchestrale. Nous sommes en fait une sorte d’orchestre sonorisé à géométrie variable, avec en plus tout l’aspect troupe que cela suppose lorsque nous faisons de l’opéra.
A propos de collaboration avec un compositeur, vous avez eu l’occasion de donner un Marteau sans maître sonorisé, à la Fondation Singer-Polignac (où vous êtes en résidence), en présence de Pierre Boulez. Comment a-t-il réagi à cette expérience ?
M. P. : Je l’ai senti assez fasciné lorsque je lui ai expliqué que la sonorisation était le prolongement de mon geste d’interprète, de chef. Dans Le Marteau sans maître, qui est un ouvrage long avec plusieurs cycles imbriqués, quand on demande aux musiciens, dans « L’artisanat furieux » par exemple, de jouer incisif et un peu percutant, avec tout ce que ça peut avoir d’un peu violent et agressif, le travail à la table de mixage permet de renforcer le caractère très tranchant du morceau. Il s’agit vraiment d’un geste d’augmentation de la musique, proche du concept de réalité augmentée que l’on peut trouver dans les jeux vidéo. Pierre Boulez nous a vraiment suivi dans cette démarche.
Comment la résidence du Balcon au Théâtre de l’Athénée s’est-elle mise en place ?
M. P. : J’ai rencontré Patrice Martinet, le directeur de l’Athénée, à plusieurs reprises à l’occasion des concerts que Le Balcon a donnés à l’église Saint-Merri. Il a été très intéressé par ce que nous faisions. Très vite nous avons parlé de que nous pourrions imaginer au Théâtre de l’Athénée. Nous nous sommes acheminés vers l’idée d’une résidence car cela s’inscrit vraiment dans l’idée que Patrice Martinet se fait d’une programmation musicale à laquelle il est très attaché.
Ariane à Naxos inaugure donc votre résidence à l’Athénée. Qu’est-ce qui va faire l’originalité d’un spectacle que vous dirigerez à quatre reprises entre le 14 et le 19 mai ?
M. P. : Il s’agit d’une version de concert, conçue avec Alphonse Cemin, le chef de chant du Balcon, et le metteur en scène Benjamin Lazar. Plutôt que de présenter une mise en scène de plus d’Ariane à Naxos, ce qui ne nous intéressait pas vraiment, nous avions le projet d’offrir une version de concert augmentée. L’orchestre y est éclaté sur une structure entre la fosse et le fond de scène ; il constitue en quelque sorte l’île d’Ariane sur laquelle les chanteurs évoluent – un peu comme dans « Le Voyage de Michel autour de la terre » de Licht de Stockhausen où le trompettiste fait le tour de la terre en se baladant dans un orchestre-décor.
Et cette Ariane à Naxos vous amène à travailler avec une chanteuse avec laquelle Le Balcon a souvent collaboré : Julie Fuchs, qui interprète Zerbinette …
M. P. : En effet, connais Julie depuis l’époque du Conservatoire, où nous nous sommes rencontrés. J’avais même eu l’occasion de diriger pour l’accompagner lorsqu’elle a passé son Prix. Nous avons fait beaucoup de concerts ensuite avec Le Balcon, notamment le Pierrot lunaire, dans une version française réalisée avec Alphonse Cemin, mais aussi la 4ème Symphonie de Mahler. Nous préparons de nombreux projets avec elle ; Julie est une personne assez incroyable dont la priorité est de faire ce qu’elle a envie de faire avec ses amis.
Combien de temps durera votre résidence à l’Athénée ; quels sont les projets que vous pouvez d’ores et déjà annoncer ?
M. P. : Rien n’a été fixé de manière définitive ; je pense que tant que nous serons bien ensemble nous continuerons. A la rentrée nous présenterons un double spectacle associant le Pierrot lunaire de Schönberg et Words and Music, pièce radiophonique de Morton Feldman sur un texte de Samuel Beckett – tout le spectacle sera en français et une création de l’étonnant vidéaste colombien Luis Nieto l’accompagnera. En mai 2014 nous donnerons Le Balcon, opéra de Peter Eötvös sur le texte de Jean Genet. Ce sera un peu l’alignement des planètes pour nous : notre ensemble se nomme Le Balcon par référence à Jean Genet, un créateur dont nous nous sentons proches artistiquement, et cela aura donc lieu à l’Athénée, théâtre qui a souvent programmé cet auteur.
Propos recueillis par Alain Cochard, le 24 avril 2013
R. Strauss : Ariane à Naxos
Paris - Athénée Théâtre Louis-Jouvet
Du 14 au 24 mai 2013
A noter : dans le cadre de «Tous à l’Opéra », dimanche 12 mai, une répétition d’Ariane à Naxos sera ouverte au public, de 14h 30 à 16h 30 (entrée libre en fonction des places disponibles)
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Photo : DR
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