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Wozzeck selon Richard Brunel à l’Opéra de Lyon – L’expérience – Compte-rendu
Un espace vide et gris. Un énorme projecteur articulé, qui tient à la fois de la caméra de surveillance et de la lampe de laboratoire. L’objet, central et obsédant, suit et contrôle ce Wozzeck monsieur tout le monde. Belle idée que ce décor simple et efficace, où l’espace intime se divise parfois en deux boîtes articulées, la cuisine, la chambre, et accessoirement un abribus. Intérieur banal, formica et écran télé où l’enfant s’abrutit de dessins animés. Tout aussi standardisé est l’espace cuisiné où Marie s’offre par ennui et finit égorgée. C’est simple, efficace, et Richard Brunel ne trahit rien du livret. Les boucles d’oreilles sont bien des boucles d’oreilles, et la méchanceté sociale identifiable. Le Tambour-Major (Thomas Watson) à la banalité du gros beauf, le docteur sa blouse blanche, le prêtre son col romain et le militaire l’irritante moustache néo-hitlérienne arborée aujourd’hui par de nombreux mâles. La kermesse, façon loterie éméchée, n’est qu’une des pitoyables expériences auxquelles on soumet Wozzeck.
© Jean-Louis Fernandez
Littéralement sous le feu des projecteurs, Stéphane Degout, sublime dépressif, est bien cet homme courant le monde comme un rasoir ouvert (acte 2, scène 2). Sur le plateau, d’excellentes voix. La Marie d’Ambur Braid, déjà entendue ici-même en Nourrice de La Femme sans ombre, a les moyens (impressionnants) de son expressionnisme. Le ténor de Thomas Ebenstein (le Capitaine) est glaçant. Robert Watson et Thomas Faulkner sont de belle tenue, Hugo Santos, en prêtre soûlographe, est remarquable, tout comme Jenny Anne Flory en Margret. Les Chœurs et la Maîtrise de l’opéra de Lyon jouent pleinement leurs rôles de bourreaux inconscients. Cependant, il aurait fallu, pour souligner la bienveillante misanthropie de Berg, une direction plus exaltée. Daniele Rustioni, si habile à transcender Strauss ou le vérisme, ne parvient pas à tirer de l’orchestre la nervosité et le désespoir attendus. Dommage pour une musique qui, plus que tout autre, fouaille l’humain jusqu’à l’os.
Vincent Borel
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Berg : Wozzeck – Lyon, Opéra, 4 octobre ; prochaines représentations les 6, 8, 10, 12 & 14 octobre 2024
www.opera-lyon.com/fr/programmation/saison-2024-2025/opera/wozzeck-1
Photo © Jean-Louis Fernandez
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