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Roger Muraro en récital à Radio France – Les Fauvettes à Paris – Compte-rendu
Tous les récitals de Roger Muraro (photo) constituent des moments importants, celui que l’artiste donnait dans le cadre du Festival Présences 2018 présentait toutefois un intérêt particulier puisqu’il incluait la création française des Fauvettes de l’Hérault – concert des garrigues, pièce que le pianiste est parvenu à reconstituer à partir du matériau d’un projet de concerto pour piano abandonné par l’auteur de la Turangalîla-Symphonie au début de années 1960 (un travail de longue haleine mené avec l’aide de la Fondation Messiaen et de Marie-Gabrielle Soret, conservateur au Département de la musique de la BnF). Créées à Tokyo en juin dernier (1), les Fauvettes, après Lugano et Liège, ont donc enfin résonné à Paris.
Pas de concert pleinement réussi sans un programme bien construit : Muraro appartient à la catégorie des interprètes – pas si nombreux ... – toujours extrêmement attentifs à l’équilibre et aux correspondances entre les œuvres. Son récital parisien ne fait pas exception et place Messiaen au terme d’un parcours où couleurs et rythmes règnent en maître.
Ce dès les Trois Préludes de Dutilleux dont il signe une interprétation toute de raffinement et de mystère. L’enchaînement s’effectue on ne peut plus naturellement avec les trois Etudes impressionnistes (2010-2012) de Thierry Escaich, invité d’honneur de Présences 2018. La première rend hommage Debussy, la troisième à Dutilleux : d’un bout à l’autre Muraro montre une parfaite maîtrise des plans sonores et une intense jubilation. La fête des timbres se prolonge avec Bruyères et Général Lavine-Eccentric, tirés du Livre II des Préludes de Debussy, d’une poésie décantée pour le premier, d’un humour délicat pour l’autre.
Après la pause, la première mondiale de La Danse, selon Matisse (2017) de François Meïmoun (né en 1979) dévoile un ouvrage qui prend sa source dans La Valse de Ravel et se définit comme « une danse sans danseur ». Elle trouve en Roger Muraro un créateur dont la souplesse du geste – d’ordre chorégraphique – et l’irrépressible élan émerveillent.
La Colombe (Prélude n° 1) : ce bref et touchant témoignage d’un Messiaen au commencement de son parcours (1928-1929) et encore très imprégné de debussysme, précède Les Fauvettes de l’Hérault, grande arche d’une bonne vingtaine de minutes et véritable « volière » - on vous fait grâce de l’énumération des occupants. Même constat qu’avec le Catalogue d’oiseaux : quand d’autres jouent en se contentant de « nommer » les volatiles, Muraro leur donne vie en puisant dans l’immense palette sonore de son piano-orchestre et, par-delà la performance technique, ce sont toujours le couleurs et le bruissant foisonnement de la nature qu’il s'attache à restituer – avec une poésie et un bonheur contagieux !
Alain Cochard
(1) Lire le CR : www.concertclassic.com/article/roger-muraro-donne-un-inedit-pour-piano-dolivier-messiaen-tokyo-somptueuse-creation-compte
Paris, Maison de la Radio (Studio 104), 7 février 2018 (concert retransmis en direct sur France Musique)
Photo © Bernard Martinez
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